Merci à Philippe Durand de nous avoir donné cette description très instructive sur ce phénomène qui a engendré des dégâts catastrophiques sur certains plateaux alentours. Philippe Durand est le responsable de la Société Tarnaise de Sciences Naturelles

HISTORIQUE DE L’INVASION
La Pyrale du buis (Cydalina perspectalis) est un papillon nocturne dont la chenille se nourrit de diverses espèces de buis. Son aire de répartition naturelle va de l’Himalaya au sud-est de la Chine (à la latitude de Hong Kong), puis remonte la côte de l’océan pacifique jusqu’en Corée et au Japon.
Dans son aire d’origine, elle se nourrit essentiellement de Buxus microphylla. C’est avec des plants horticoles de cette espèce, importés en 2007 dans la région de Bâle (sud-ouest de l’Allemagne), que la pyrale du buis aurait été introduite en Europe de l’ouest. C’est du moins à partir de ce point qu’elle a rapidement envahi les régions voisines d’Allemagne, puis les régions frontalières de la Suisse et de l’est de la France, avant d’envahir toute la France et les pays d’Europe centrale de la même latitude. Il est probable que la Pyrale avait été introduite auparavant en Hollande et en Italie, toujours par importation de plans infestés de Buxus microphylla, mais sans connaître une telle expansion.

Le commerce libre, en particulier celui des plantes horticoles, favorise la mondialisation des parasites.
L’exemple le plus connu est l’introduction du Phylloxera, qui a accompagné l’introduction de plants de vigne américains, et qui a détruit le vignoble européen à la fin du XIXème siècle. Le but initial (« bénéfices » très mal anticipés …) était évidemment de gagner beaucoup plus d’argent, en cultivant des vignes plus productives.
Plus récemment, Xylella fastidiosa, la bactérie tueuse des oliviers et de nombreuses autres espèces d’arbres, a probablement été introduite par importation d’arbustes d’ornement. Parmi eux, Polygala myrtifolia, un polygala arbustif originaire d’Amérique, ou d’autres espèces, qui peuvent être des porteurs sains, donc des facteurs de dissémination. Dans ce cas, même une longue mise en quarantaine aurait été inefficace.
En Australie, après plusieurs introductions de végétaux ou d’animaux aux effets catastrophiques, la règlementation est draconienne. Présentez-vous à la douane australienne avec des chaussures portant des traces de boue… Vous verrez ! (la boue pourrait contenir des graines de plantes indésirables)

DESCRIPTION DE LA PYRALE
La Pyrale du buis développe habituellement trois générations par an, parfois quatre. Typiquement, on observera des chenilles au printemps (de mars à début mai), puis au début de l’été (de fin juin à la mi-juillet), puis en fin d’été et au début de l’automne (de fin août à fin octobre).
Extrêmement voraces, les chenilles (photo) dévorent les feuilles de buis en partant de la base et de l’intérieur des massifs, ce qui fait que l’attaque est initialement peu visible. Les très jeunes chenilles attaquent les feuilles par dessous, mais les chenilles plus âgées les dévorent en entier, par la marge, et s’attaquent aussi à l’écorce tendre des jeunes rameaux. Un massif de buis peut être entièrement défolié en trois jours.
A défaut de voir les chenilles, qui sont souvent cachées pendant le jour, on s’aperçoit de leur présence par le réseau de fils collants dont elles enveloppent feuilles et rameaux attaqués. Cette toile sans structure apparente entoure les zones attaquées, et elle est rapidement chargée de nombreuses crottes à l’odeur caractéristique, vertes lorsqu’elles sont récentes, brun grisâtre terne ensuite.
La chenille est globalement d’un vert très vif, avec sur chaque côté deux lignes latérales noires encadrant une ligne blanche, et sur le dos deux rangées de verrues noires. Elle porte quelques poils blancs, qui heureusement ne sont pas urticants. Elle peut atteindre 35 mm moment où elle se transforme en chrysalide.
Le papillon se pose ailes écartées à plat, les antérieures en « V » très ouvert, et ne vole de jour que lorsqu’il est dérangé. Son envergure est d’environ 35 millimètres. Il peut se présenter sous deux couleurs dominantes : ailes blanc nacré à bordures brun terne (photo), avec des reflets irisés violacés, ou ailes brunes à irisations violacées, à bordures peu distinctes (photo). Dans les deux cas, les ailes antérieures portent, au milieu de leur bordure supérieure, une petite tache blanche triangulaire, en forme de virgule.

COMMENT LUTTER CONTRE LA PYRALE ?
On peut passer la haie au nettoyeur haute-pression, pour détruire les toiles en réseau tissées par les chenilles, qui ainsi ne seront plus protégées contre les traitements insecticides. On peut utiliser des produits à base de Baccillus thurigiensis subsp kurstaki, autorisé en culture biologique. Ce bacille n’agit que par ingestion : il détruit le système digestif des chenilles qui mangent les feuilles traitées, mais il est totalement inefficace sur les papillons. A priori il ne touche pas les abeilles et autres insectes butineurs. Attention, il est toxique pour les animaux aquatiques, et irritant pour la peau et les yeux.
Les papillons (essentiellement les mâles) peuvent être piégés par des pièges à phéromones, ou, la nuit, attirés et foudroyés par des pièges lumineux à ultra-violets, du type des pièges à insectes utilisés dans les magasins. Il existe des modèles utilisables en extérieur (voir sur Internet).
Les chenilles et les papillons de la Pyrale sont insensibles aux alcaloïdes fortement toxiques du buis, et ne semblent pas les accumuler. Les oiseaux commencent à les chasser. Dans mon jardin, entouré d’une grande haie de buis, les merles mangent les chenilles au ras du sol, les moineaux et les mésanges mangent les chenilles en hauteur (comme des colibris : sans se poser…) et chassent acrobatiquement les papillons en vol.
Sans titreSans titre 1

Photos Philippe Durand

Categories: Nature

Laisser un commentaire

En savoir plus sur La gazette des amoureux des monts de lacaune

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading