Lors de l’élaboration du texte sur les plantes sauvages que l’on pouvait manger en salade, Claude Sèbe m’a envoyé ce message : « Je suis étonné que l’ortie ne soit pas dans votre liste, elle était consommée dans les soupes, c’est un véritable trésor de santé, elle contient des protéines équilibrées en acides aminés, autant de calcium que le fromage, trois fois plus de fer que les épinards, huit fois plus de vitamine C que les oranges, mais aussi une quantité importante de silice, du magnésium, du bore, du zinc, du sélénium etc…. »

Il a tout à fait raison de mettre en avant cette plante urticante qui suscite souvent le rejet. L’utilité de l’ortie dépasse le domaine de l’alimentation des hommes. C’est l’objet de cette page du blog.

Voici donc l’ortie, ortic ou ortiga en occitan, et Urtica dioïca, en latin. Elle tire son origine du mot latin urere : brûler. Le mot dioïca vient du grec « à deux maisons », car cette plante est à sexes séparés : des pieds mâles portant les fleurs mâles et des pieds femelles portant les fleurs femelles, et donc les graines.

L’ortie aime bien les terrains azotés et humides, elle pousse abondamment près des maisons ou des maisons abandonnées. Ce phénomène, avec la présence de graines d’orties, est un indicateur, dans une recherche archéologique, d’une ancienne présence humaine à proximité.

Son pouvoir irritant

Les poils situés sur la face supérieure des feuilles sont des pointes de silice qui pénètrent la peau en se brisant au moindre contact et répandent un liquide (histamine, acide formique, acétylcholine et sérotonine ), ce qui irrite la peau. L’histamine est un venin analogue à celui des guêpes, ce qui provoque des rougeurs.

L’acide formique et l’histamine étant solubles dans l’eau, l’ortie pique moins par temps de pluie. Desséchée, hachée finement ou cuite, l’ortie perd son pouvoir irritant.

Je ne peux établir un document sur les orties, sans penser à ma grand-mère, Philippine Guibbert-Gos de Nages. Cette femme dont la gentillesse infinie n’avait d’égale que la totale discrétion, me laisse le souvenir d’une véritable addiction au ramassage des orties.

C’était la reine de l’ortie. Elle les ramassait avec ardeur à pleines mains nues sans se faire piquer, en prenant la plante en remontant et en ne touchant que le dessous des feuilles. Comme elle passait une heure par jour à ce travail, elle devait être immunisée, car si on touche le dessus de la feuille d’une plante voisine, on se pique. Je dédie donc cette présentation à ma chère grand-mère.

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Philippine Guibbert-Gos

L’ortie dans l’assiette

L’ortie est riche en toutes sortes d’éléments comme nous l’a rappelé Claude Sèbe en introduction..

J’ai vu mettre quelques orties dans la soupe, comme on ajoutait des feuilles de poireaux. La mémoire rapporte aussi qu’on faisait des omelettes avec des orties vertes, comme on le fait aujourd’hui avec des asperges. Hachée finement, l’ortie peut être utilisée comme le persil. Il faut éviter les vieilles feuilles, car elles sont plus dures et plus râpeuses, et contiennent des minéraux sous forme de cristaux qui peuvent abîmer les reins.

Jean-Louis Fabre m’a indiqué: « Quand nous avons nos petits-enfants, ma femme mélange des orties à la purée de pommes de terre, histoire de leur faire deviner de quoi il s’agit ».

En faisant des recherches sur internet, il est frappant de voir autant de recettes, où l’imagination se donne libre cours. L’ortie a un impressionnant club de supporters qui en font une plante miracle. A Murasson, il y a une personne qui fait de la confiture d’orties.

Dans l’ouvrage consacré à la Maison Hérail, Rémi Chabbert indique que l’ortie sert à donner la teinte verte à l’absinthe.

Un outil pour le châtiment corporel

Il y avait aussi une menace terrible : se faire frictionner le derrière avec des orties. Mon père parlait avec une telle horreur d’une friction que lui avait infligée sa mère que je ne me suis jamais aventuré à expérimenter l’exécution de cette menace, quand j’étais l’objet de ses remontrances.

Dans le même ordre d’idées, on raconte qu’à Bonabou-le-Haut, un étranger était de passage un soir et il avait eu envie d’aller faire un besoin. C’était du temps où il n’y avait ni toilettes intérieures, ni éclairage ! On lui dit : « Oh ! ici, il n’y a qu’un endroit où vous pouvez aller » et on lui désigne dans le noir un carré d’orties, où il se rend et se frotte ensuite avec les plantes à portée de la main. Après le pauvre homme a compris sa douleur ! C’était une façon de faire une blague, que l’on raconterait inlassablement dans les veillées.

 

Le détergent pour faire la vaisselle

Ma grand-mère faisait la vaisselle en rinçant les assiettes avec les orties, le liquide piquant ayant une action un peu comme le jus de citron.

A L’Acapte, on nettoyait les bouteilles en les remplissant d’orties et d’eau et en remuant fortement.

Pour faire baver les escargots

On les met dans une caisse remplie d’ortie et la bave reste accrochée à l’ortie.

L’aliment pour le bétail

Dans la cour de la ferme de Narulle, où j’ai grandi, il y avait un immense espace couvert d’orties. Elles servaient surtout comme aliment pour le bétail, après avoir passé ces plantes au hache-orties. Je me souviens de ces moments délicieux à tourner la manivelle, avec le bruit régulier des quatre lames qui tranchaient les feuilles. Mélangée avec du son, l’ortie hachée était incorporée à la pâtée. C’était bon aussi bien pour le cochon, pour les canards que pour les poules. La littérature indique que la feuille d’ortie active la ponte des poules.

Dans les fermes où il y avait des brebis, on faisait de la recuite ou bros (prononcer /brouss’/). En coupant très menues les feuilles d’ortie et en ajoutant du bros, on faisait un mélange apprécié par les tout-petits canards. Cet aliment était donné aussi aux dindons pour éviter la maladie du rouge.
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Hachoir à orties Lo Trissador

A L’Acapte, on se souvient qu’on coupait des orties et on les faisait sécher pour les donner aux poules en hiver afin qu’elles pondent davantage.

Francis Bonnet m’a indiqué que « l’ortie est une source de nourriture pour les chenilles de nos plus beaux papillons (la Belle Dame, le Vulcain, la Petite Tortue, le Gamma, la Carte Géographique, etc.), la disparition des papillons vient de la disparition des plantes nourrissant les chenilles, « mauvaises herbes » qu’on fait tout pour supprimer ».

Plante médicinale

L’ortie est connue pour ses propriétés médicinales. L’ortie est un tonique général : elle redonne force, courage et vitalité.

Elle est connue d’abord pour lutter contre les rhumatismes. En effet diurétique et drainante, elle permet de lutter contre les douleurs articulaires, les lumbagos, les sciatiques et la goutte. Autrefois, on frottait avec une poignée d’orties les parties du corps atteintes de rhumatismes ou d’arthrite. Marcel Cauquil se souvient avoir vu une personne se frictionner les doigts avec des orties pour guérir les maux dans ses articulations.

Ensuite, c’est un tonique du système urinaire : elle est utilisée pour le drainage hépatique et rénal, et elle aiderait en outre à combattre les calculs urinaires.

Dans l’Antiquité, on lui prêtait des vertus hémostatiques, c’est-à-dire d’arrêter les hémorragies.

La littérature contient la liste des maladies que l’ortie peut aider à soigner : diarrhée, angine, asthme, saignements de nez, diabète, anémie, décalcification, rachitisme, affections de la peau, amygdalites, aphtes, inflammations des gencives.

Thierry Danneels m’a précisé : « Comme beaucoup de plantes possédant des caractéristiques irritantes voire empoisonnées, elles sont utilisées à petite dose notamment pour l’action inverse. Concernant l’Urtica, elle a sa place dans l’homéopathie mais aussi dans un gel allopathique qui calme les irritations et les piqûres, particulièrement d’insectes. J’ai testé ce dernier et il est efficace rapidement. »

Pour le jardin et le purin d’ortie

Marcel Cauquil a fabriqué du purin d’ortie fermenté, comme engrais ou insecticide, par effet répulsif (il est très efficace contre les pucerons du haricot). Ce purin est issu de la macération dans l’eau d’orties hachées dans une comporte ou une barrique pendant dix à vingt jours à l’abri de la lumière (on attendait que les feuilles aient complètement pourri). Le purin d’ortie peut également servir d’activateur de compost. La littérature indique qu’il peut aussi être herbicide, si la macération a été plus longue. Attention à l’odeur !

Le purin d’ortie a été interdit de fabrication, de vente et de diffusion en 2006 en France, mais il est à nouveau autorisé depuis un arrêté de 2011, suite au Grenelle de l’Environnement.

Sans passer par le purin d’ortie, on peut avoir un excellent engrais vert en mettant des branches d’orties dans le sillon creusé pour planter les légumes.

Quand, il plante des tomates, Aimé Ginieis ajoute quelques rameaux d’ortie, pour protéger la plante des maladies, comme le mildiou.

La fibre textile

La littérature indique l’utilisation de cette plante pour faire autrefois des toiles d’ortie, mais la mémoire locale n’en a plus souvenance.

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Orties

Pèire Thouy indique :
J’ajouterais que certains toponymes font état de la présence d’orties:
Col de l’Ourtigas (Ortigàs) dans de département de l’Hérault ou encore Lourtiguié (l’Ortiguièr) dans le département du Tarn.

De plus, dans ma panoplie pharmaceutique, j’ai de l’ortie broyée après séchage au four, que j’utilise donc en poudre pour arrêter une hémorragie (nasale ou autre).
Sans oublier le suc de racines d’ortie pour les soins du cuir chevelu sinon des cheveux.

Categories: Nature

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