Pourquoi faut-il manger des champignons avec modération ?
Les champignons, qui ne sont ni des plantes ni des animaux, ont une composition très particulière :
- Les parois de leurs cellules ne sont pas formées de celluloses et de pectines, comme celles des plantes, mais essentiellement de chitine, principal constituant de la cuticule des insectes et de la carapace des crustacés. Sa digestion demande d’avoir, dans le système digestif, des enzymes particulières que ne possèdent pas les humains et autres mammifères ou oiseaux … mais que possèdent limaces et escargots, grands consommateurs de champignons.
- Les champignons contiennent des sucres particuliers, dont le tréhalose, un sucre qui n’est pas digéré par tout le monde et qui facilite le développement, dans le microbiote intestinal, de bactéries pathogènes comme Clostridium difficile et le mannitol, un autre sucre qui, consommé trop abondamment, provoque des intolérances ou allergies chez les personnes sensibles, ce qui est indiqué dans la notice des médicaments qui en contiennent comme excipient. La consommation répétée de ces sucres peut conduire à des intolérances digestives.
- En plus d’être peu digestes, les protéines des champignons sont pour la plupart instables et se dégradent rapidement sous l’action des bactéries, en formant des cadavérines, molécules toxiques à odeur nauséabonde. Leur seul nom suffit à comprendre qu’il vaut mieux ne consommer que des champignons en parfait état de fraîcheur.
- D’assez nombreuses espèces de champignons contiennent des antibiotiques naturels (ne pas oublier que le premier antibiotique utilisé, la pénicilline, a été trouvé dans le champignon Penicillium notatum). Ces antibiotiques peuvent provoquer des intolérances et ils retardent le pourrissement des espèces qui en contiennent, comme le Clitocybe nébuleux ou l’Armillaire couleur de miel (« Garrigade »), qui conservent longtemps un faux aspect de fraîcheur et sont responsables de nombreuses intoxications.
- De nombreuses espèces de champignons ne sont comestibles qu’après cuisson complète : les plus connues d’entre elles sont les morilles, mais la mode de vouloir tout manger cru a révélé la toxicité, lorsqu’ils sont consommés crus, de plusieurs bolets (Bolet à pied rouge, Bolet appendiculé, Bolet bai), de l’Amanite rougissante, etc.
Dans l’état actuel des connaissances, nul ne peut donc affirmer qu’un champignon est comestible sans conditions : c’est pourquoi, dans ce qui suit, nous écrirons comestible entre guillemets … et tout ceci explique :
- Pourquoi il est prudent de cuisiner les champignons – récoltés bien frais et en bon état, après s’être assuré que ce sont bien des espèces « comestibles » – le plus rapidement possible après récolte.
- Pourquoi les champignons, même les « comestibles » les plus réputés, ne sont pas spécialement digestes, ou ne pas sont digérés avec la même facilité par tout le monde.
- Pourquoi il est prudent de ne consommer des champignons qu’avec modération : pas trop souvent, pas en trop grandes quantités, et (sauf très rares exceptions) bien cuits.
Ceci dit, et en respectant ces précautions, on peut se régaler d’une bonne fricassée de cèpes, de girolles ou d’autres espèces habituellement consommées sans risque particulier par de nombreuses personnes. Ceci sans oublier que ces « bons comestibles » représentent tout au plus 0,3% des espèces de champignons présents sur notre territoire, et que la comestibilité d’un champignon ne se juge pas à son aspect appétissant ou à son abondance sur le terrain. Il est impératif de ne consommer que des champignons que l’on peut identifier avec certitude, ce qui est le fruit d’un long apprentissage : au moindre doute, s’abstenir.
Pourquoi ne faut-il pas manger les pépins d’une pomme ?
Les graines de la plupart des Rosacées – pommes, poires, amandes amères, abricots, pêches, prunes, laurier-cerise, etc. – contiennent des molécules toxiques, plus précisément des hétérosides cyanogènes, contenues dans les vacuoles des cellules de leurs cotylédons. Ces molécules sont aussi présentes, en plus ou moins grande concentration, dans leurs feuilles, particulièrement dans celles des Laurines, ou Laurier-cerise (Prunus laurocerasus).
Pour la plante, c’est une défense contre les animaux qui croqueraient leurs graines au lieu de se contenter de la chair juteuse et parfumée qui entoure habituellement le noyau, ou qui consommeraient leurs feuilles. Si on croque les graines ou si on coupe les feuilles, ces molécules cyanogènes sont libérées et produisent du cyanure en présence d’eau. On peut donc s’intoxiquer en croquant des amandes amères, ou des amandes d’abricots, de pêches ou de prunes, des pépins de pomme … ou encore par simple contact avec des feuilles coupées de laurines, lorsqu’on les taille torse et bras nus, un jour de chaleur intense provocant une forte sueur.
Avaler le noyau d’une cerise (sans le casser, ni croquer la graine) ne présente aucun risque de toxicité, de même qu’avaler sans les croquer des pépins de pommes : c’est le mode naturel de dispersion des graines de ces plantes, qui ne tuent évidemment pas les animaux qui les rejettent plus tard et ailleurs dans leurs crottes …. Croquer occasionnellement un pépin de pomme ne présente pas plus de risque, mais il ne faut pas en faire une habitude. Le cas est différent avec des amandes amères (d’amandiers sauvages) ou des amandes contenues dans les noyaux d’abricots, qui peuvent contenir aléatoirement ces molécules cyanogènes en très fortes concentrations ; elles ont alors un goût très amer et un parfum caractéristique, recherché par certains dans leurs préparations culinaires. Les Centres Anti Poisons signalent de graves intoxications avec des confitures d’abricot parfumées avec quelques amandes des abricots ayant servi à faire la confiture.
Les fruits du sureau posent-ils problème ?
Dans le genre Sambucus, famille des Caprifoliacées, il existe dans nos régions trois espèces :
- Le Sureau noir (Sambucus nigra), que l’on trouve à toutes altitudes, souvent au voisinage des habitations.
- Le Sureau à grappes, ou Sureau rouge (Sambucus racemosa), qui ne se trouve qu’en altitude, à l’étage du Hêtre : clairières, coupes en cours de régénération naturelle, bords des chemins.
- Le Sureau Yèble (Sambucus ebulus), à odeur fétide, que l’on trouve à toutes altitudes sur sols profonds, frais et riches en azote : friches, fossés, voisinage des habitations et des reposoirs à bestiaux.
Les deux premiers sont des arbustes : Sambucus racemosa ne dépasse pas 4 m, mais Sambucus nigra peut devenir un petit arbre et atteindre 10 m ; le troisième, Sambucus ebulus, est drageonnant et forme des colonies serrées de tiges herbacées annuelles, dépassant rarement 1,5 m de hauteur.
Les fruits de ces trois espèces sont des petites baies, habituellement à trois pépins à enveloppe coriace, dont la graine contient, comme celle des Rosacées à noyaux, des molécules cyanogènes : lorsqu’on utilise les fruits du Sureau noir ou du Sureau à grappes, il convient d’éliminer ces pépins sans les broyer (pas de « smoothie » avec les baies entières de sureau, la préparation serait toxique).
Les inflorescences du Sureau noir sont des corymbe (les fleurs sont portées par des ramifications de longueurs inégales, mais elles sont à peu près toutes dans un même plan) qui terminent des rameaux latéraux des branches et retombent lorsqu’ils sont chargés de fruits ; ses fleurs sont blanches, parfumées, à corolle rapidement caduque ; ses fruits mûrs sont noirs, à reflets rougeâtres.
Les inflorescences du Sureau à grappes sont des panicules (grappes composées) de fleurs jaune-verdâtre ; ses fruits murs sont rouge franc.
Les inflorescences du Sureau yèble sont des corymbes, qui terminent les tiges annuelles et restent dressés lorsqu’ils portent les fruits ; ses fleurs ont des pétales blancs et des étamines blanches, jaunes ou rouge violacé ; ses fruits sont plus gros que ceux des deux autres espèces, et d’un noir brillant à maturité.
Qu’en est-il de la comestibilité de ces fruits ?
- Si on les consomme crus – mais tout dépend de la quantité ingérée et de la sensibilité individuelle du consommateur -, les fruits mûrs du Sureau noir et du Sureau à grappes sont plus ou moins laxatifs : ils ne sont comestibles que cuits, par exemple en confitures ou en gelées, en éliminant les pépins sans les broyer.
- Les fruits du Sureau yèble sont modérément toxiques mais violemment purgatifs, autant crus que cuits. L’ingestion d’une dizaine de baies provoque habituellement des troubles digestifs (diarrhées, coliques), parfois accompagnés de somnolence, angoisse, vertiges, mydriase (dilatation des pupilles), etc.


Quelle est la plante qui peut servir d’abrasif ?
La Prêle élevée (Equisetum telmateia) est réputée contenir des cristaux de silice. Elle est effectivement riche en silice, mais sous forme amorphe, moins dure que si elle était cristallisée. Cette silice est concentrée dans les cellules des stomates (petites ouvertures modulables qui permettent aux plantes de réguler les échanges gazeux avec l’atmosphère) dans lesquelles elle forme une petite coque, comparable à celle des diatomées.
Lorsque les tiges de prêle sont sèches (on peut les couper et les faire sécher), ces coques forment un abrasif très doux qui peut servir à polir très finement, sans les rayer, meubles et métaux. Patience et huile de coude !
On peut voir de belles images de ces coques de silice sur le site https://forum.mikroscopia.com

Que faisait-on avec la Bourdaine ?
Cet article sur la Bourdaine (Frangula alnus) commencera par un rappel des principales dates de l’histoire de la poudre noire, mélange de deux oxydants, le salpêtre (nitrate de potassium) et le soufre, et d’un combustible, la poudre de charbon de bois.
Au VIIe siècle, au Proche-Orient, le feu grégeois (une sorte de lance-flamme incendiaire) a été utilisé comme arme dans l’Empire Byzantin, mais sa composition restée secrète n’utilisait pas encore la poudre noire. Celle-ci, inventée en Chine vers le IXe siècle, n’a été connue et utilisée en Europe que vers la fin du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle. Les premières armes à feu ont rapidement évolué : au XVe siècle, arquebuses primitives et bombardes ont été remplacée par la couleuvrine, le canon et l’arquebuse ; du XVIe au XVIIIe siècle ces armes ont été perfectionnées, avec apparition du mousquet, du pistolet, du mousqueton (actuellement, ce que l’on appelle à tort « mousqueton » est en réalité un « porte-mousqueton », qui attachait l’arme à la selle du cavalier) et du fusil.
C’est au XVIe et XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIII puis de Louis XIV, que la bourdaine et devenue une ressource stratégique. Elle l’est restée jusqu’à l’invention, vers la fin du XIXe siècle, de la « poudre sans fumée » à base de nitrocellulose (la poudre noire produit une abondante fumée).
Pour la fabrication de la poudre noire, il est important que le charbon de bois utilisé soit le plus riche possible en carbone, et puisse être très finement broyé pour obtenir une poudre de qualité constante et homogène. Après avoir testé les charbons de bois de toutes les essences forestières de nos régions, il est apparu que le meilleur était celui de la Bourdaine, dont la récolte a été organisée au XVIe et XVIIe siècles. En 1669, l’ordonnance de Colbert « sur le faict des Eaux et Forêts », crée le monopole de sa récolte par le Service des Poudres et Salpêtres. En 1803, un arrêté du Consulat confirme que « le bois de la Bourdaine continuera à être réservé pour la confection du charbon de bois propre à la fabrication de la poudre ». À cette époque, dans nos régions montagneuses, la vente de la Bourdaine au Service des Poudres et Salpêtres constituait un revenu non négligeable.
Un autre arbuste de nos régions donne un charbon de bois au grain très fin : le Fusain (Euonymus europaeus), toujours utilisé pour le dessin. La fabrication des charbon de bois de Bourdaine ou de Fusain doit être laissée à des professionnels.

Source : article « Bourdaine » dans l’encyclopédie WIKI MONDE (https://wikimonde.com)
Philippe Durand, Société Tarnaise de Sciences Naturelles