LA PRÉHISTOIRE
La région est riche des souvenirs du néolithique (fin de l’âge de pierre).
Dernière période de la préhistoire, le néolithique est une époque clé pour l’histoire de l’humanité. Elle se situe, pour la France, entre 5800 et 2500 ans avant notre ère environ. Premiers villages, cultures des céréales, élevage : les innovations néolithiques ont marqué un tournant dans les modes de vie.
La grande période de découvertes locales a été celle des années 1970-1990, quand on est passé du labour avec une paire de vaches à des labours plus profonds avec des tracteurs. Les mégalithes (menhirs = pierre dressée en breton) qui étaient enfouis ont été exhumés en grand nombre. En refaisant des passages sur des ruisseaux, on s’est aperçu que des mégalithes avaient été utilisés en réemploi. On distingue les statues-menhirs quand on trouve figurée une représentation.
Découverte intéressante : celle du menhir de la Valette au-dessus des Vidals. On y a trouvé des restes qui ont permis de le dater d’environ 2 700 avant JC.
Les dolmens (en breton pierre plate) sont les restes de monuments funéraires. Les menhirs étaient des monuments à caractère symbolique ou religieux.
Autres vestiges découverts de cette époque : haches, pointes de flèche, meules, galets pour écraser les grains, etc.
À signaler aussi la découverte de l’aven sépulcral de Mauray, près de Talpayrac (Gijounet), où on a trouvé des restes humains datés de 2500 ans av JC.
Voir les publications du CRPR à ce sujet.
Auparavant, il n’y avait que peu de menhirs apparents connus, le plus célèbre étant la Pierre plantée des Abattoirs. Il est dans un site remarquable et pourrait être agrémenté d’une table de lecture du paysage indiquant des points intéressants : pic du Montalet, trou de l’Aven (lieu objet de curiosité pour excursion dominicale des Lacaunais à un moment on ne circulait qu’à pied), anciennes exploitations d’extraction d’or dans les alluvions de la plaine de Laucate, carrière d’ophite de Raffanel, maison remarquable de Basse-Vergne, etc.
LA PÉRIODE ROMAINE
Les seuls éléments connus sont la voie romaine qui passe au nord de la comcom, de Barre à Roquecézière), aujourd’hui limite Tarn-Aveyron, autrefois voie de garde de la frontière de la Narbonnaise face à la Gaule indépendante. Dans la partie héraultaise de la comcom, il y a un parcours remarquable avec en particulier le Plo des brus.
Alain Robert et Olivier Razimbaud ont fait un grand travail de reconnaissance.
On y a trouvé beaucoup de vestiges.
Il est regrettable qu’il n’y ait pas un GR sur ce tracé historique.
La période gauloise n’a pas donné lieu à des recherches, sauf une étude étymologique d’un abbé Bouïsset, à traiter avec un esprit critique.
La légende fait état d’un passage hypothétique de Jules César près de Lacaune, où il aurait prononcé « Lacaune la noire, caverne de voleurs » avant d’installer son camp à Roquecézière (Roc de César)
LA PÉRIODE MOYEN-ÂGEUSE
À relever cinq choses :
1 la découverte de tombes mérovingiennes sous le lac du Laouzas. Voir la publication et la présentation de vestiges au musée de Rieumontagné.
2 la période de la guerre contre les Cathares n’a pas laissé de trace chez nous, mis à part une légende du colonel Bouïsset.
3 le seul monument religieux de style roman est la chapelle de Saint-Étienne de Cavail à La Salvetat. On y trouvait une belle Vierge noire en pierre.
4 le chemin de Saint-Jacques a bien été balisé en GR, avec une partie éblouissante dans l’Hérault sur la commune de Castanet, avec un crochet possible pour découvrir l’ermitage de Saint-Eutrope.
5 pendant la guerre de Cent ans, présence anglaise en Rouergue nécessitant la défense des Monts de Lacaune par le Comte de Castres, aidés des seigneurs locaux. Renforcement des remparts de Lacaune et création de châteaux comme celui de Nages. Le docteur Rascol fait état de la trace d’un camp anglais au-dessus de Montredon à la Rodo dal Suc.
LA RÉFORME PROTESTANTE
Elle a laissé beaucoup de traces. Pour résumer :
1 la plupart des seigneurs sont devenus protestants, à l’exception de celui de Nages, qui l’a payé cher. Les troupes de Montgomery sont montées de Castres faire le siège. Malgré la promesse faite que si la garnison se rendait, elle aurait la vie sauve, elle fut passée au fil de l’épée dans un lieu appelé Les Martinoles à la sortie de Nages quand va vers le lac. Cet endroit n’avait pas l’apparence actuelles en forme de carrière, qui a été creusée afin d’extraire la pierre pour faire la route au XIXe siècle.
Au début du XVIIe siècle, Lacaune était devenu 100% protestant, les catholiques y étant bannis. Le protestantisme s’est développé vers l’ouest, dans la vallée du Gijou. En première approximation, les anciens cantons de Murat, de La Salvetat et de Saint-Gevais sont restés totalement catholiques. Anglès a été très marqué par le protestantisme et en particulier les fermes principales sont encore la propriété de grandes familles protestantes, souvent mazamétaines.
La vallée du Gijou a été une terre d’assemblées du désert, occasionnant des arrestations, des amendes, des condamnations à mort, … Auparavant, les châteaux de Viane et Senaux ont été le théâtre d’une guerres entre les troupes protestantes de Rohan et les catholiques de Condé. La région a vu fuir des familles vers l’Allemagne, l’Angleterre, … Certaines ont établi des banques en Suisse, qui sont venues en aide aux négociants protestants (Cabannes et Rabaud) dans leurs entreprises.
Avec l’abrogation de l’édit de Nantes en 1685 par Louis XIV, les temples furent fermés et une persécution entamée. Les protestants devaient passer par l’église pour les baptêmes et les mariages, mais ayant conservé les positions dominantes au plan social (seigneurs et les plus riches), ils ont continué à conserver leur position sociale dominante et leur religion, surtout à partir du règne de LouisXV.
Après 1750, ils ne font même plus semblant de passer par l’église et Louis XVI leur donne le droit d’avoir un état-civil, ce qui ne faisait qu’officialiser chez nous un état de fait.
On découvre que sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, des protestants lacaunais étaient les rois du négoce maritime mondial :
- À Cadix, port espagnol, qui avait le monopole du commerce avec l’Amérique latine espagnole, une des principales maisons de commerce était celle des Cabanes, protestants lacaunais. Ils se trouvaient de fait les plus riches. Avant la Révolution, ils avaient à Lacaune une belle résidence hors du vieux Lacaune devenue plus tard le pavillon du frêne de l’hôtel Fusiès. Un Cabanes résidait à Paris et avait fait entrer son neveu dans la garde noble de Louis XVI.
- A Bordeaux, les deux premiers armateurs étaient les Nayrac (protestants de Gijounet) et les Bonnafé (protestants de Lacaune). Les premiers faisaient le commerce triangulaire avec l’Afrique et les Antilles. Les seconds ne passaient pas par l’Afrique, car les esclaves se révoltaient et c’était plus tranquille de faire directement la liaison Bordeaux-Port-au-Prince. David Cambon a été un capitaine des navires des Bonnafé. Revenu très riche à Lacaune, il épouse en 1783 une jeunette, Henriette Calmels de Basse-Vergne, pour laquelle il fait construire la belle demeure de Basse-Vergne. Il acquiert aussi la ferme mythique de Cambiès. Son fils Antoine Cambon sera un maire apprécié de Lacaune et une rue porte son nom. Un petit-fils de David Cambon, Jules Cambon a été conseiller général de Lacaune jusqu’en 1909.
Un Nayrac a été député aux États généraux de 1789 et tout négrier et franc-maçon qu’il était, il était élu du Tiers État sous les couleurs de la Liberté !
- À Marseille, la Compagnie des Indes appartient à Rabaud (protestant de Gijounet). Mins heureux que les autres, il a été guillotiné sous la Terreur, sa richesse suscitant des jalousies.
- À Mogador au Maroc (Essaouira), Constant (autre protestant lacaunais, entretenait un comptoir commercial qui avait une activité annexe lucrative : il rachetait au Sultan les Français retenus comme esclaves, les retapait et négociait avec la famille la suite…
- À signaler aussi deux familles ayant joué un grand rôle dans l’Armée, les Goudon de Saint-Sever, seigneurs de Senaux et surtout les Barrau de Muratel (parfois aussi appelés de Campouriés), dont un des membres, David Maurice a commandé un régiment de cavalerie à la célèbre bataille de Valmy.
Toutes ces familles protestantes très riches avaient racheté toutes les fermes du plateau. Mais la Révolution fut une catastrophe pour eux. Après l’exécution de Louis XVI, l’Angleterre déclara la guerre à la France et étant maître des mers, elle interdit tout négoce maritime aux Français, d’où les ruines en cascade de ces familles où les traites ne pouvaient plus être honorées.
Et de ce fait, au cours de la fin du XIXe siècle, les familles protestantes huppées disparaissent totalement du paysage local et elles vendent leurs propriétés devenues non rentables du fait de la concurrence viticole chez la main d’œuvre agricole.
Aujourd’hui, on pourrait faire du cimetière protestant de Lacaune un lieu de mémoire des sépultures protestantes et de ces grandes familles qui ont des descendants célèbres comme M. de Saint-Affrique, patron de Danone. Voir Rémi Chabbert et à étudier avec l’Église protestante de la Montagne du Tarn et la commune de Lacaune
LA RÉVOLUTION
Bien accueillie au début, avec le curé de Lacaune élu maire, les choses se sont rapidement dégradées pour trois raisons :
1 nos ancêtres ne voulaient pas partir faire la guerre et il y a eu rapidement dissidence
2 la Constitution civile du clergé a entraîné le refus de 100% du clergé local de se soumettre. Dès lors, l’abbé Puech vicaire de Murat, arrêté dans l’Aveyron est exécuté à Rodez. La moitié des prêtres partit en exil en Espagne et l’autre moitié se cacha, protégé par la population et parfois par des protestants
3 la monnaie émise ne valait rien et on en voit la preuve dans le dossier de Joseph Terral, un Lacaunais député à la Convention. Il doit une pension alimentaire à sa mère qui refuse d’être rémunérée avec la monnaie qu’il touche comme député !
Cette dissidence, favorisée par l’isolement du fait des difficultés de liaison d’alors, était telle qu’on appelait notre secteur la petite Vendée. À une différence de taille, ici on n’y a pas pris les armes contre les autorités révolutionnaires.
Mais les autorités départementales qui siégeaient alors à Castres se sont énervées et ont décidé d’envoyer à Lacaune le tribunal et la guillotine. Une fois arrivé à Lacaune, les autorités locales se sont évaporées et il n’y a qu’un seul détenu en prison avec aucun dossier sur lui. Le tribunal bricole un procès et fait exécuter séance tenante le pauvre Fouillaraque, un homme du peuple.
La monographie sur Joseph Terral, député à la Convention montre bien comment a été vécue localement cette période révolutionnaire.
À signaler aussi le passage à Montalet de Méchain pour mesurer la longueur du méridien terrestre. C’était un astronome qui mesurait les angles entre divers points culminants (si dans un triangle, on connaît la longueur d’un côté, avec la mesure des angles, on peut calculer la longueur des autres côtés).
Méchain a posé un repère à Montalet, mais quand il s’est rendu au-dessus de Montredon-Labessonié, le repère avait été enlevé par nos montagnards antirévolutionnaires. Il revint en poser un autre qui fut enlevé à son tour. Cela ne l’a pas fait rire et il a dû demander que l’armée garde le nouveau repère posé.
Parti de Barcelone Méchain mit un temps fou pour arriver à Rodez. De son côté Delambre mesurait la distance de Dunkerque à Rodez. Ils étaient tous les deux des astronomes qui étaient les savants qui mesuraient avec une grande précision la position angulaire des astres et des planètes dans le ciel.
BONAPARTE ET L’EMPIRE
En étudiant les délibérations du conseil municipal de Nages, on voit que la période 1800-1810 est une période de remise en état des choses, la Révolution ayant généré une vaste pagaille :
- L’école communale qui existait avant la révolution est rouverte
- L’église qui menaçait ruine est restaurée et le curé n’a plus besoin de dire la messe dans la nature. Suite au Concordat, il est remis officiellement en charge de la paroisse
- Les chemins sont rouverts, les propriétaires en limite s’étaient partagés le chemin !
- Les communaux sont à nouveau respectés
- Un groupe de dissidents politiques s’était transformé en bande de voyous qui rançonnaient. Ils sont neutralisés, comme on dit aujourd’hui.
Mais après 1810, le conseil municipal doit affronter des épreuves :
- Il doit trouver un remplaçant aux déserteurs. Cet exercice n’était pas sans risques et un maire de Senaux s’est fait assassiner.
- Au fur et à mesure que le temps passe, le maire reçoit de plus en plus des ordres de réquisition de livrer pour la semaine suivante, tant de foin, d’avoine ou de maïs au sous-préfet de Castres pour alimenter l’armée de Soult en Espagne.
Ainsi on comprend que le pays en avait ras-le-bol de Napoléon et tous les conseils municipaux accueillent favorablement le retour de Louis XVIII, ce qui doit être vu comme un rejet d’un régime honni, plus que comme un ralliement royaliste.
Le maréchal Soult de retour vers Saint-Amans s’arrête à Barre pour faire étape dans l’auberge Tabariès. Les Barrols se concertent et décident de faire la peau de Soult. Fort heureusement pour lui, l’aubergiste décide de le protéger. Il barricade les lieux et conduit par un ami sûr de Tabariès, Soult s’échappe par le toit et est conduit à Lacaune, où il était en sécurité auprès de hauts gradés.
Pour terminer sur cette période, signalons qu’en 1857, après l’arrivée au pouvoir de Napoléon III, celui-ci a décidé d’attribuer une décoration (la médaille de Sainte-Hélène) à tous les soldats de Napoléon survivants. Un site internet donne la liste des bénéficiaires par commune. On est impressionné par leur nombre.
LA RESTAURATION
Quatre points à signaler :
1 le doublement de la population entre 1750 et 1850 n’est pas sans conséquence :
- Faute de ressources nouvelles, la pauvreté explose. Les hommes exploitent les terres hautes et s’approprient des communaux et y construisent des maisons, comme celle de Payrac. Les gardes forestiers ont du mal à se faire respecter et certains se font assassiner.
À Gigounet, hausse de la population jusqu’en 1846, occasionnant une grave crise de subsistance en 1847 (année la plus meurtrière à Gijounet et dans beaucoup de communes), occasionnant l’exode rural dès l’année suivante. En 1851, la population a déjà diminué.
- Les grandes fermes ont une main d’œuvre bon marché qui est heureuse de trouver un gîte (l’écurie en hiver et la grange en été). Avec les produits de la nature et le braconnage, on peut la nourrir. Ces fermes en profitent pour étendre leur propriété aux vacants communaux voisins.
Dans cette période l’activité agricole est l’élevage des brebis. Il n‘y avait pas encore de production de lait pour Roquefort. Les revenus étaient tirés de la viande de la laine et on a travaillé à améliorer la qualité de la laine produite en faisant des croisements avec la race Mérinos. Les Vergnes de Lugan (de Barre) jouaient un rôle promoteur en la matière.
Si dans les grandes fermes, on élevait des brebis, en revanche, dans les villages, comme Boissezon, les artisans ou petits propriétaires avaient plutôt un petit troupeau de chèvres, pour avoir du lait pour la consommation familiale. Il faut dire que la présence de vastes espaces pentues couverts de broussailles pouvaient convenir pour l’élevage des chèvres.
- Pour les besoins spirituels de cette population accrue, des nouveaux lieux de culte ont été créés : églises à Gos, à Moulin-Mage, à Tastavy, à Condomines, aux Vidals, au Fraïsse, à Bonneval, à Cambon, à Salvergues ; temples à Gijounet et Espérausses.
2 le développement des routes
Depuis des temps immémoriaux, les transports de marchandises à longue distance par voie terrestre se faisaient uniquement à dos de mulet, chaque animal portant au maximum 50 kg. Les parcours allaient droit en évitant les vallées et ne se souciaient pas des montées rapides.
Sous le règne de Louis XV, a été lancée une politique de création de routes où circulent des charrettes transportant de plus lourdes charges. Ces routes devaient avoir un profil en long avec un minimum de parties pentues. D’où la nécessité de suivre les vallées et donc de faire des ponts. D’où la création de l’école des ponts et le service des ponts (et chaussées).
Ainsi Mgr de Barral, évêque de Castres, était aussi à la tête du diocèse civil, qui avait la compétence des routes et c’est ainsi qu’il a fait établir le plan de la route de Castres jusqu’après Saint-Gervais (l’actuelle RD 622). Une partie de cette route a été réalisée alors, au départ de Castres et avant Saint-Gervais.
Sous l’Empire, l’armée absorbait les recettes publiques. Aussi c’est sous la Restauration qu’a été réalisée enfin la finition du parcours (en 1830). Ont aussi été commencées les routes de Moulin-Mage vers Barre et de Nages vers La Salvetat.
3 Enfin, il faut signaler le début de l’exploitation de charbon sur la commune de Castanet-le-Haut en 1836. C’étaient les mines les plus à l’ouest du bassin de Graissessac. Max Alliès, maire de Castanet-le-Haut est d‘ailleurs un petit-fils de mineur.
Il y avait une petite mine de fer à Faydel (Viane) dont le minerai était porté à dos de mulet à Monségou (Lamontélarié), où il y avait une forge catalane, qui sera emportée par la crue de 1875.
4 Epidémie de choléra de 1835 décrite par plusieurs rapports médicaux, dont celui du docteur Moziman.
LE SECOND EMPIRE
Sous l’impulsion de Napoléon III, il y a une grande modernisation de la France.
1 avec le développement spectaculaire de la desserte ferroviaire de notre pays, l’économie en est complètement bouleversée. C’est ainsi que l’on peut exporter le vin à Paris et le bas pays de l’Hérault qui était la plaine à blé depuis les Romains (la Narbonnaise) devient une plaine viticole. On voit des photos de grands fûts sur rails ou des amoncellements de barriques sur wagons.
La conséquence est l’appel de main d’œuvre dans notre montagne. J’ai calculé qu’en dix ans, la commune de Nages avait perdu 300 habitants en dix ans. L’émigration s’est faite en deux temps : d’abord les hommes partent faire la moitié de l’année des travaux saisonniers, laissant femme et enfants gérer quelques lopins de terre ; ensuite toute la famille descendait au pays bas, où elle n’était guère considérée sous le terme péjoratif de gavatch. Pierre Calmette raconte une scène caractéristique : dans un village héraultais, le glas sonne. Quelqu’un dit « Cal es qu’es mort ? » « Oc ! es pas degus, es un gavatch ». « Qui est mort ? Ce n’est personne, c’est un gavatch ! »
Conséquence chez nous. C’est la fin de la main d’œuvre excédentaire peu chère. Les propriétaires des fermes qu’ils n’exploitaient pas eux-mêmes voient la rentabilité s’effondrer. Pour la plupart, ils vont devoir bientôt vendre.
2 autre conséquence du développement des transports : le développement du Roquefort qui bénéficie à la fois du transport ferroviaire pour l’écoulement des fromages et du développement des routes qui permet le transport des formes à affiner à Roquefort.
C’est de Calmels, à côté de Lacaune, que Paulin de Naurois va se rendre à l’Exposition universelle de 1855 et y acheter un bélier anglais de race Southdown pour faire des croisements avec le double objectif : amélioration laitière et amélioration de la viande. Ainsi il assure le lancement de ce qui sera la race de brebis Lacaune, qui est aujourd’hui une composante de l’AOC Roquefort. Les brebis de race Lacaune sont les plus nombreuses en France aujourd’hui .
LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE
Cette période voit d’abord un prolongement des évolutions de la période précédente : en particulier avec l’attractivité du pays bas, notre montagne continue à se vider. Les petites exploitations qui avaient vu le jour sur des hauteurs sont abandonnées. Pour les grandes fermes, un mouvement commencé en 1971 avec la vente de Narulle se terminera au début du XXe siècle par la cession des fermes les plus importantes comme Cambiès ou Rieuviel.
Conséquence de la difficulté d’avoir du personnel, il va y avoir peu après 1900, une mécanisation avec des outils à traction animale. Au XIXe siècle, c’était assez simple. Pour faucher, la faux et ensuite traitement avec la fourche et le râteau et enlèvement par des charrettes. Pour les cultures, travail de la terre avec le bigos et l’araire et la moisson avec la faux ou le volam. Ensuite battage au fléau puis avec des batteuses à manège.
Ainsi, au début du XXe siècle, on voit apparaître faucheuses, râteaux-faneurs, moissonneuses-lieuses, batteuses entraînées d’abord avec des locomobiles puis avec des tracteurs.
La Troisième République voit l’ouverture de nombreuses écoles, dont dans les bourgs importants d’école des filles.
Dans les premières années 1900, est créée une ligne de chemin de fer Castres-Murat-sur-Vèbre. Elle ne fonctionnera qu’un demi-siècle, mais laissera dans notre mémoire, le souvenir romantique du petit train. En fait celui-ci n’a été qu’un autobus sur rail pour le transport des voyageurs et n’a pas servi, comme les chemins de fer créés au siècle précédent, au transport de pondéreux, comme le charbon. Dès que l’on a pu le remplacer par un autobus sur pneus, le département a mis un terme à un système trop coûteux.
Au début du XXe siècle, l’arrivée du camion sera le point-clé du départ du développement de la charcuterie. Avec un véhicule tiré par un cheval, il fallait deux jours pour aller à Béziers. Avec un camion et en se levant tôt, on pouvait aller faire un marché au pays bas. Beaucoup de personnes se lancèrent dans cette activité qui était saisonnière, en l’absence d’installations frigorifiques. On tuait des cochons les lundis, mardis avec l’appoint de main d’œuvre paysanne en cette période où les travaux des champs sont à l’arrêt. Le reste de la semaine, le charcutier faisait les marchés ou le tour des clients bouchers ou épiciers. Le même camion servait aussi à aller chercher de plus en plus loin des cochons à certaines foires célèbres.
La guerre de 1914 a été entamée dans la confiance. On était au début du mois d’août et on rapporte que des soldats auraient déclaré : « Les récoltes ne sont pas rentrées, mais pas de problème, nous serons revenus dans 15 jours ! »
Et ce fut une longue aventure qui se terminera par le tragique suicide de toute l’Europe dont elle ne se relèvera plus jamais, avec les Américains grands vainqueurs promoteurs d’un traité de Versailles qui engendrera la deuxième guerre mondiale qui consacrera dans le déshonneur la déroute de notre continent.
De nombreuses publications du CRPR nous permettent de découvrir la bravoure de nos pères au front. Les hommes qui sont revenus de la Grande Guerre n’ont cessé d’en parler dans les repas où ils se retrouvaient, ce que n’ont pas fait soldats de la Seconde guerre et encore moins leurs petits-fils, à propos de la guerre d’Algérie.
LA SECONDE GUERRE
Contrairement à la précédente guerre, celle-ci s’est déroulée en partie sur notre territoire.
1 La Résistance a eu divers points d’implantation : Martinou, Le Cabanial, Salvaget, dont on a publié des récits avec les combats à Martinou et au pont de La Mouline, ou encore les combats du maquis de Vabre.
Le maquis de la Roque. Parachutages en juin 1944 sur le terrain « Virgule » (Viane). Assaut du 8 juin par les Allemands : 7 tués dont le lieutenant Bloch (Polytechnicien), enterré au cimetière de Viane. Dépôt de gerbes sur sa tombe tous les 8 mai par la municipalité de Viane.
Dégât collatéral des combats de Martinou, deux personnes de Sagnens, les frères Bonnafous ont été embarqués par l’armée allemande montée de Castres. Emmenés en déportation, ils périront après d’atroces souffrances, comme l’a découvert leur cousin, André Cabrol.
2 Un évènement particulièrement marquant a été l’assignation à résidence à Lacaune de plus de 600 Juifs étrangers en 1942. Une première rafle menée par la police de Vichy a envoyé des personnes en déportation dont elles ne reviendront pas. Les Lacaunais ulcérés par la façon dont les familles ont été séparés, ont été encore plus solidarité avec la communauté juive. Une deuxième rafle a permis d’arrêter d’autres personnes. Une troisième rafle n’a permis d’arrêter personne.
Ainsi 119 personnes ont été déportées et tuées. Lacaune n’oublie pas cette période de son Histoire, bien au contraire. Elle peut compter sur l’aide des descendants « des juifs de Lacaune », qui entretiennent la mémoire de leur famille. Jacques Fijalkow est l’un des plus actifs, il est président de l’association des Amitiés Judéo-Lacaunaises.
De nombreuses publications racontent les drames vécus. Divers colloques ont été tenus à l’initiative de Jacques Fijalkow, qui était jeune Juif pendant la guerre et a été ensuite professeur à l’Université de Toulouse.
3 De nombreux jeunes du pays ainsi que certains du Bas-Languedoc viennent se cacher dans les métairies des Monts de Lacaune. De nombreuses familles, originaires de la région, viennent se réfugier pour échapper aux privations et aux bombardements subis dans les villes.
LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE
Les quinze années qui suivent la Libération voient le prolongement des tendances passées. La vie agricole s’y déroule avec les mêmes rythmes et les mêmes outils. Tout se passe en utilisant spontanément la langue d’oc, langue de nos pères.
Les charcuteries se développent toujours comme activité saisonnière. Il n’y a pas d’abattoir, les charcutiers tuent les cochons chez eux et vont laver les tripes à la rivière. Les charcutiers de la vallée de la Vèbre, mieux desservis pour cela vont mieux se développer que ceux de Lacaune.
Les petits commerces locaux sont prospères. Les artisans continuent à vivre de leurs métiers. Les cafés sont les lieux où se retrouve la jeunesse locale le dimanche. Les fêtes de village sont des lieux privilégiés de rencontre.
La vie de famille est intense et s’opère toutes générations confondues. Le braconnage est une activité centrale avec la possibilité de transgressions pour marquer les évènements exceptionnels, comme l’empoisonnement de la rivière de La Trivalle à Narulle pour marquer la Libération du territoire.
LA. CINQUIÈME RÉPUBLIQUE
L’arrivée du général de Gaulle représente un tournant capital avec un pouvoir présidentiel fort qui règle la question algérienne et met fin à la colonisation en Afrique.
L’agriculture est bouleversée. Finies les petites exploitations dans les villages où tous les artisans et commerçants avaient un petit élevage. Ne restent progressivement que les grandes fermes autour de deux spécialisations : les bovins viande et les ovins lait pour Roquefort. En accord avec la FNSEA, de Gaulle met en place une modernisation des structures : CUMA, GEAC, SAFER, etc.
Dans la charcuterie, le grand changement est l’arrivée d’installations frigorifiques qui permettent de passer d’une activité saisonnière à un activité annuelle. Il n’y a pas de main d’œuvre locale disponible. C’est alors qu’arrive une importante communauté portugaise.
En 1968, le démarrage de l’abattoir permet aux Lacaunais de rattraper et dépasser les salaisonniers de la vallée de la Vèbre. Dans une période plus récente, on a vu se développer l’activité de découpe, ce qui fait que beaucoup de charcutiers ne prennent que les produits nécessaires pour faire saucissons, saucisses et jambons. Et aujourd’hui l’Abattoir et les entreprises Roussaly et Franvial sont le cœur de l’activité charcutière.
La population modernise la vie au quotidien avec l’acquisition par tous les ménages de voitures, de télévisions, de machines à laver et de frigidaires. La vie sociale évolue. D’une vie intergénérationnelle, on est passé à une solidarité avec sa génération, comme par exemple la décohabitation dans les fermes. Mais aussi avec les aînés envoyés en Maison de retraite, alors qu’il y a un demi-siècle, l’honneur était de permettre aux Anciens de mourir dans leur maison.
En matière d’équipements publics, plusieurs points à signaler :
- Généralisation du téléphone et son automatisation
- Renforcement du réseau électrique pour alimenter des moteurs et plus seulement quelques ampoules, comme aux débuts de l’électrification
- Travaux de rectification du tracé des routes créées pour le transport avec des charrettes tirées par des chevaux et il convenait de les adapter à la voiture.
- Relais de télévision et ensuite les antennes relais pour la téléphonie mobile
- Équipements des collectivités : salles communes, matériel d’entretien de la voirie, mairies nouvelles, etc.
- Développement de l’intercommunalité, piscine, maison de santé,…
L’ACTION EN DIRECTION DU PATRIMOINE
Cela s’est traduit par le développement de musées : Musée de la vie paysanne de Rieumontagné, Musée du Vieux La Caune, Musée des mégalithes, Musée de la charcuterie, Filature Ramon. De ce point de vue, notre communauté de communes a une position originale.
Le CRPR présente aussi l’avantage d’offrir deux atouts clés au territoire :
- L’édition de documents sur la mémoire locale : de l’ordre de 400 ouvrages portant sur l’ensemble de la comcom ! Et cela sans concours financier ni de l’État, ni de la région, ni du département, ni des collectivités territoriales
- Un outil numérique pour la généalogie dans notre région avec le site http://muratsurvebre.free.fr/index.php
Pour une zone d’émigration, comme la nôtre, cela peut être un canal pour mieux mobiliser ceux qui ont un lien familial avec elle. On doit se préoccuper de ce public.
Également il faut rappeler trois autres opérations :
- La Maison de Payrac avec la déclinaison de quatre thèmes : la nature protégée, le patrimoine sauvegardé, traditions maintenues, paradis des enfants ; en drainant 12 000 visiteurs annuel
- Le Conservatoire de Tastavy de présentation de la tradition religieuse, un peu le pendant pour le catholicisme du Musée du protestantisme de Ferrières.
- Le moulin de Narulle qui permet de le voir tourner comme celase faisait depuis des siècles.