Les champignons des Monts de Lacaune
Par Philippe Durand et Robert Rouanet– Société Tarnaise de Sciences Naturelles
Crédit photos : Philippe Durand (PhD) et Robert Rouanet (RR)
La cueillette des champignons est une tradition ancestrale dans nos régions de pâturages et de bois, et les « bons coins » sont des secrets de famille jalousement gardés.
La comestibilité des champignons
Les connaisseurs avertis consomment jusqu’à une douzaine d’espèces différentes, et ont la bonne idée de ne pas en consommer d’autre. Est-ce par méconnaissance d’autres espèces comestibles ? Non, nous le verrons plus loin, c’est, comme on le dit en occitan, un biais /biaïs/ ignoré, héritage d’une longue expérience collective. Les livres de détermination des champignons publiés avant l’an 2000 donnaient plusieurs centaines d’espèces « comestibles » et beaucoup jugeaient injustifiée l’ancestrale et salutaire prudence héritée de nos anciens. Au cours de ces dernières années, cette prudence a été confirmée par les observations des Centres Anti-Poisons : parmi les 5000 espèces de champignons que l’on pourrait être tentés de consommer, tout au plus 20 ou 30 – jusqu’à 40 ou 50 pour des mycologues très avertis – peuvent être consommées sans trop de risques.
La réalité est que les champignons ne sont pas vraiment comestibles…
Du point de vue nutritionnel, les champignons sont composés, selon les espèces, de 80% à 90% d’eau, de 2% à 4% de protéines, de 2% à 13% de glucides (sucres), de moins de 1% de lipides, de 0,5 % à 1,5% de matières minérales, des oligo-éléments, et quelques vitamines.
Même s’ils contiennent en moyenne plus de protéines que la plupart des plantes, les champignons ne sont pas pour autant des « viandes végétales », comme l’ont prétendu certains. D’abord les champignons ne sont pas des végétaux, et ensuite, leurs protéines sont plus ou moins indigestes et instables, se dégradent rapidement et provoquent des intoxications de type gastro-intestinal.
Pour consommer des protéines non animales, on peut mettre au menu des haricots secs (20% de protéines), des pois secs (23%), des lentilles (25%), des pois chiches (20%), du soja (36%), des fèves (24%), des graines de courge (25%), des noix (20%), de l’épeautre (15%), du quinoa (14%), du sarrazin (13%). Si vous digérez mal les légumes secs, faites-les tremper quelques heures, avant cuisson, dans de l’eau avec un peu de bicarbonate de soude.
En comparant avec la teneur en protéines de la viande de bœuf (17%) et des œufs (13%), on comprendra mieux les préconisations alimentaires de l’ANSES (Agence Nationale de SEcurité Sanitaire, alimentation, environnement, travail).
La plupart des sucres contenus dans les champignons ne sont pas assimilables. Parmi ces sucres, le tréhalose et le mannitol peuvent provoquer, chez certaines personnes, des intolérances digestives violentes. De plus, la paroi d’une cellule de champignon n’est pas pectocellulosique comme celle des végétaux : elle est essentiellement composée de chitine, constituant de la carapace des insectes, qui n’est pas digérée, et qui peut aussi causer des intolérances digestives.
De nombreux champignons contiennent en plus, à dose plus ou moins forte, des antibiotiques et d’autres molécules de défense contre les prédateurs, les parasites et les autres champignons. En fin de saison, par temps frais, le clitocybe nébuleux (Lepista nebularis, ou Clitocybe nebularis) et l’armillaire couleur de miel (Armillaria mellea et autres armillaires) – en occitan garrigada, /garrigado/, de garric, le chêne en général – peuvent garder pendant plus de 10 jours un aspect de fausse fraîcheur, qui masque la dégradation de leurs composants et qui peut causer de violentes intoxications.
Ne pas oublier que les vitamines sont détruites à la cuisson. Comme il est fortement déconseillé de manger des champignons crus, cherchez d’autres sources de vitamines !
Enfin, n’oubliez pas que les champignons sont de véritables éponges, qui concentrent les substances chimiques, les métaux lourds, les substances radioactives : ne récoltez pas de champignons à proximité immédiate de cultures traitées chimiquement, ni au bord de routes à forte circulation, ni dans des reposoirs à bestiaux (à cause des traitements vétérinaires).
Conseils de récolte et de consommation
Les champignons ne se récoltent pas n’importe où et n’importe comment. Comme tous les produits du sol, les champignons appartiennent au propriétaire du terrain, qui peut tolérer la récolte, la réglementer ou l’interdire. Sur les terrains privés, la récolte était traditionnellement tolérée, comme l’était le droit de glaner après les moissons. Pour que cette tolérance se perpétue, respectez l’environnement, la propriété d’autrui, les règles de stationnement, les clôtures, et ne laissez aucune trace de votre passage, … et si possible demandez son accord au propriétaire.
Avec le développement de l’automobile, et suite aux abus constatés, la récolte des champignons est de plus en plus réglementée, aussi bien au niveau des propriétés privées qu’au niveau communal, intercommunal ou départemental. Dans les forêts domaniales, la récolte sans autorisation préalable est limitée à une consommation familiale.
Conseils pour la récolte :
Pour préserver la ressource, évitez de piétiner le lieu de récolte, les mycéliums des champignons n’aiment pas les sols tassés.
Les champignons sont fragiles, récoltez-les avec précaution et dans un panier.
Récoltés dans un sac en plastique, ils s’abîment et fermentent rapidement, devenant impropres à la consommation. La récolte doit se faire sans toucher à la litière de matière végétale en décomposition qui recouvre le sol (récolte au râteau interdite !).
La détermination demande souvent d’avoir des spécimens entiers.
Ne récoltez pas seulement les chapeaux : le pied et sa base sont indispensables pour caractériser certaines espèces. Pour un cèpe, un quart de tour suffit à le détacher du sol.
Pour éviter l’incrustation de sable, de terre ou de débris végétaux, nettoyez chaque champignon au moment de la récolte, tant qu’il est bien frais.
Pour le chapeau, on peut utiliser une petite brosse. Avant de retourner complètement le champignon et d’exposer sa partie fertile (lames ou tubes) aux salissures, nettoyez la base du pied avec une brosse ou un couteau.
Les champignons ont une forte capacité à concentrer les métaux lourds, les produits chimiques. Assurer-vous que le lieu de récolte n’est pas potentiellement pollué.
Prudence pour la consommation :
Les risques de confusion entre espèces sont importants, les risques d’intoxication sont loin d’être négligeables : identifiez précisément chaque champignon récolté, et, au moindre doute, ne le consommez pas.
C’est ici que l’on retrouve le biais collectif de nos ancêtres : ils ont probablement essayé de consommer toutes sortes de champignons, et se sont vite aperçus que les champignons étaient en grande majorité plus ou moins toxiques, sinon peu agréables à consommer, à cause d’un goût ou d’une consistance peu agréable. Même si les raisons de ce rejet ont été oubliées, la mémoire collective a prudemment retenu que consommer des champignons n’est jamais sans risque. Elle n’a retenu comme comestibles que les rares espèces à la fois consommables sans trop de risques, faciles à reconnaître, et suffisamment abondantes pour en justifier la récolte.
Les champignons sont presque tous toxiques lorsqu’ils sont mangés crus ou mal cuits.
On le savait depuis longtemps pour les morilles, on l’a (re)découvert récemment avec la mode de « tout manger cru » et la croyance que « dans la nature, tout est bon » : l’amanite rougissante et le bolet à pied rouge, autrefois considérés comme « bons comestibles », sont toxiques crus, de même que le shiitaké, pourtant cultivé dans le monde entier et vendu dans le commerce.
Rares sont les espèces que l’on peut consommer crues, avec précautions (ne pas en donner à de jeunes enfants), en faible quantité et pas trop souvent : champignon de Paris, oronge, mousseron de la Saint-Georges, truffe… et c’est à peu près tout !
Toutes des espèces, même les plus recherchée, doivent être récoltées dans un bon état de fraîcheur, cuisinées et consommées rapidement.
Les protéines des champignons sont instables et se dégradent rapidement. Certaines espèces, autrefois jugées comestibles mais actuellement considérées comme toxiques, peuvent gardent longtemps un aspect trompeur de fausse fraîcheur. Méfiez-vous des premières gelées. Si vous congelez des champignons (de préférence après cuisson, qui tue d’éventuels parasites) ou si vous les mettez en conserves stérilisées, faites-le rapidement après récolte, et consommez-les dans l’année.
Les conserves de Cèpe d’été (Boletus aestivalis) sont déconseillées. Les protéines de cette espèce se dégradent plus vite que celles des autres espèces de cèpes. Même après stérilisation, les conserves sont souvent avariées au bout de quelques mois.
Les champignons sont naturellement peu digestes, et, même pour les espèces les plus réputées, une consommation trop abondante et/ou répétée peut conduire à des intoxications.
Certaines personnes ne peuvent pas manger de cèpes sans avoir des problèmes digestifs. Plusieurs espèces, autrefois considérées comme de « bons comestibles » (Paxille enroulé et Tricholome équestre) causent des intoxications mortelles qui ne leur étaient pas attribuées avant que l’on découvre que ces espèces sont toxiques avec « effet de seuil ». Leurs toxines ne sont pas éliminées, ou induisent, comme le ferait un mécanisme à cliquet, une accumulation d’anticorps : lorsqu’un certain seuil est atteint, l’intoxication (de type allergique pour le paxille) se déclenche, et la consommation de trop est fatale !

Les champignons les plus recherchés au printemps
Les morilles
En occitan maurilha /maourillo/ ou à tort bonet de capelan, « bonnet de curé », probablement par confusion avec des helvelles.
Les morilles apparaissent au tout début du printemps, le plus souvent au moment où les pruneliers (Prunus spinosa) commencent à fleurir. Elles sont entièrement creuses, mesurent de 5 à 15 cm de hauteur, et se reconnaissent à leur chair cassante, à leur chapeau alvéolé et à leur pied blanc un peu ocré.
Le chapeau de la Morille blonde (Morchella esculenta) – en occitan Maurilha blonda – est irrégulièrement globuleux. Sa couleur varie du crème ou ocre clair à brun ocré. Elle se trouvera dans les endroits frais, sur sol sablonneux, le plus souvent en bordure de ruisseau ou de rivière, au pied des frênes (dont elle apprécie le mannitol), aussi dans les vergers de pommiers (dont elle apprécie les sucres des pommes tombées au sol).
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La Morille conique (Morchella elata) – en occitan Maurilha conica – a un chapeau nettement conique ou en ogive, brun foncé, portant des alvéoles nettement alignés. Elle se trouve le plus souvent sous les conifères.

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Rappelons que les morilles sont toxiques crues : elles ne peuvent être consommée que bien cuites, ou après séchage et cuisson. Les morilles peuvent être confondues avec le Gyromitre (Gyromitra esculenta) – en occitan Maurilha fòla – autrefois considéré comme comestible, mais qui s’est révélé aléatoirement mortel (avec effet de seuil) aussi bien cru que cuit.
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Le Mousseron de la Saint-Georges
En occitan Mossairon /moussaïrou/, mais ce nom est aussi donné à tort au Marasmes des oréades.
Le Mousseron de la Saint-Georges (Calocybe gambosa) est un champignon trapu, à chair ferme et compacte. Son pied est court (3 à 8 cm), et son chapeau (de 3 à 10 cm de diamètre) est bombé, à marge enroulée, puis plus ou moins étalé et ondulé. Sa couleur varie du blanc sale au beige mastic, parfois plus brun. Les lames sont blanc crémeux, très serrées, et s’insèrent perpendiculairement sur le haut du pied. Tout le champignon a une agréable odeur de farine. On le rencontrera dans les endroits herbeux, où il forme des ronds de sorcières à proximité ou à l’intérieur des haies de rosacées (Prunelier, Aubépine).
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Sans titre 5Vous ne trouverez pas le mousseron de la Saint-Georges en automne ! À cette époque de l’année, vous trouverez plutôt l’Entolome livide (Entoloma lividum) – en occitan Jaunet – qui a la même odeur appétissante de farine, mais qui est un purgatif drastique, violemment toxique.

Les champignons les plus recherchés en été et en automne
Dans les prés, les landes, ou leurs bordures
Le Rosé des prés
En occitan pradelon /pradélou/ ou pradelet.
Le Rosé des prés (Agaricus campestris) se trouvera en ordre dispersé ou en petites colonies dans des prairies régulièrement pâturées. Le jeune chapeau est blanc soyeux et arrondi, à marge enroulée, puis il s’étale en disque d’au plus 10 cm de diamètre, et se nuance de gris rosé. Les lames, initialement rose franc, virent progressivement au brun sépia (couleur des vieilles photos), presque noir à la fin. Le pied, de 4 à 8 cm de hauteur, est court, plus ou moins atténué en fuseau à la base, et il porte un anneau simple, mince et fragile.
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Ne confondez pas le Rosé des prés avec l’Agaric jaunissant (Agaricus xanthodermus), qui forme de grands ronds de sorcières, et qui jaunit fortement au toucher (base du pied, bord du chapeau). De plus, il dégage une odeur iodée, rappelant – pour ceux qui l’ont connue – celle de l’encre violette des écoles. Il est indigeste et sa saveur rappelle son odeur…
Le Marasme des Oréades
En occitan mossairon par amalgame avec le mousseron de la Saint-Georges, ou plus spécifiquement pissacan /pissoco/, souvent modifié en « pisse-canette ».
Le Marasme des Oréades (Marasmius oreades) forme des petits ronds de sorcières dans les prairies pâturées. Le chapeau mesure entre 2 et 5 cm de diamètre. Il porte en son centre un mamelon arrondi, diaphane en surface lorsqu’il est humide, alors brun-roux plus ou moins foncé. Le pourtour du chapeau est de couleur plus claire. Par temps sec, le mamelon n’est plus diaphane et la couleur générale du chapeau s’éclaircit, devenant ocre clair. Les lames sont espacées. Le pied, qui dépasse rarement 8 cm de hauteur, est fibreux et élastique : vrillez-le, il ne se cassera pas, puis relâchez-le, il se détendra comme un ressort ! Le marasme des Oréades a une odeur agréable, rappelant celle de l’amande amère. Il peut se consommer frais ou séché.
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Attention, ne cueillez pas sans discernement : il arrive que des ronds de marasme des Oréades recoupent des ronds de clitocybe blanchi (Clitocybe cerussata), violemment toxique, ou de petites lépiotes proches de Lepiota josserandii ou de Lepiota brunneoincarnata, toutes mortelles.
La Lépiote élevée
En occitan Sant miquèl
La Lépiote élevée (Macrolepiota procera), se rencontre dans les prairies anciennes, les landes pâturées, les landes en cours d’embroussaillement, les sous-bois clairs de feuillus. C’est un champignon de grande taille : son chapeau peut atteindre 25 cm de diamètre, et son pied peut dépasser 25 cm de hauteur. Le jeune chapeau est ovoïde, puis il s’ouvre en parapluie. Couvert de mèches brunes qui se dilacèrent et laissent apparaître un fond plus clair, il est facilement détachable du pied. Les lames, blanche puis blanc cassé, sont libres : elles ne touchent pas le haut du pied. Le pied, renflé en massue à sa base, est élancé et couvert de fines chinures brunes sur fond beige. Il porte un anneau double coulissant.
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Ne pas confondre la Lépiote élevée avec d’autres lépiotes de grande taille (qui pour la plupart rougissent ou brunissent nettement au toucher), ou des petites lépiotes, dont le chapeau développé ne mesure pas plus de 10 cm de diamètre.
Le Pleurote du panicaut
En occitan Aurelheta de panicaut /aourélléto dé panicaout/.
Le Pleurote du panicaut (Pleurotus eryngii), est localement appelé « argouane » ou « oreillette ». Il pousse exclusivement sur les racines du Panicaut champêtre (Eryngium campestre). Le Panicaut champêtre est un faux-chardon (famille des Apiacée et non des Astéracées) qui se trouve uniquement sur terrains plus ou moins calcaires, dans les pelouses sèches et les pâturages, où il constitue un refus de pâture. Le chapeau du Pleurote du Panicaut ne dépasse pas 10 cm de diamètre. Il est brun sombre ou grisâtre, et sa marge est longtemps enroulée. Ses lames sont décurrentes sur le pied, ce dernier souvent décentré, dépassant rarement 5 ou 6 cm de hauteur.
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La Pholiote du peuplier
En occitan Pibolada /Piboulado/, de Pibol /Piboul/, le peuplier.
La pholiote du peuplier (Agrocybe cylindracea) se développe habituellement sur les racines ou à la base des peupliers noirs (Populus nigra) vivants, et sur leurs souches lorsqu’ils ont été abattus, parfois sur sureau (Sambucus nigra). Il accompagne le peuplier dans les fonds de prairies humides, le long des berges de ruisseaux et de rivières. Il pousse en touffes denses, directement sur le bois. Son chapeau dépasse rarement 10 cm de diamètre. Initialement brun-roux vif au centre, il est plus clair sur son pourtour et devient beige clair en vieillissant. Son pied élancé peut atteindre 15 cm de hauteur, et il porte à son sommet un anneau membraneux. Son odeur fruitée – acidulée, rappelle celle du lait caillé.
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Attention : d’autres champignons que la Pibolada peuvent pousser en touffes sur les peupliers !
Dans les bois
Les cèpes
En occitan cep /cép/ ou bolet /boulét/.
Quatre espèces de Bolets peuvent être vendues sous le nom collectif de « cèpe » : le cèpe d’’été, le cèpe de Bordeaux, le cèpe couleur de bronze et le cèpe des pins. Tous se rencontrent habituellement sur sol siliceux.
Les cèpes ont, comme tous les bolets, une partie fertile formée de tubes jointifs, s’ouvrant vers le bas par des pores. Chez les cèpes, ces pores sont réguliers, fins et serrés. Initialement blancs, ils deviennent progressivement jaune clair, puis jaune verdâtre, enfin verts. Les cèpes ne bleuissent ni au toucher, ni à la coupe. Leur chapeau mesure de 5 à 25 cm de diamètre, et leur pied, ventru puis cylindrique, mesure le plus souvent de 5 à 15 cm de hauteur.
Le cèpe d’été
En occitan Cep d’estiu /cép d’estiou/
Le cèpe d’été (Boletus aestivalis), est précoce : on le trouve de fin mai à fin septembre, sous feuillus et conifères. Son chapeau est lisse ou peu feutré, brun uniforme jusqu’à sa marge. Son pied porte un réseau blanc, habituellement bien net sur toute sa longueur.
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Le cèpe de Bordeaux
En occitan Cep de Bordèu /cép dé Bourdeou/
Le cèpe de bordeaux (Boletus edulis), est automnal : on le trouve de septembre à novembre, sous feuillus et conifères. Son chapeau est lisse, un peu gras au toucher par temps humide, brun plus ou moins sombre s’éclaircissant vers la marge, celle-ci soulignée par un étroit liseré blanc. Son pied porte un réseau blanc ou concolore, uniquement dans sa moitié supérieure.

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Le cèpe couleur de bronze
En occitan Cep negre /cép négré/
Le cèpe couleur de bronze (Boletus aereus), est estival : on le trouve de juillet à octobre, sous les chênes et les châtaigniers. Son chapeau est brun sombre, nuancé par places de noir ou d’olivâtre lui donnant une couleur vieux bronze, avec des zones plus claires. Son pied porte un discret réseau concolore, peu visible.
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Le cèpe des pins
Le cèpe des pins (Boletus pinophilus) est automnal : on le trouve de septembre à novembre, en moyenne montagne, sous les pins et les hêtres. Son chapeau est brun-rouge, couleur de cuir roux. Sa surface est plus ou moins fripée et ses marges, au moins au début, portent une pruine blanche. Son pied porte un réseau concolore, s’assombrissant à maturité.

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Sous le nom de « cèpe des pins », de nombreuses personnes désignent le bolet granulé (Suillus granulatus) ou le bolet jaune (nonnette voilée, Suillus luteus), en occitan cep jaune, qui ne se trouvent que sous les pins, et qui sont d’une qualité gustative moindre que les vrais cèpes. Notez que le bolet granulé est systématiquement toxique dans le sud-est de la France, et de ce fait interdit à la vente, alors qu’il est consommé dans d’autres régions. Ce n’est pas un cas isolé : d’autres espèces de champignons ont évolué localement, et leurs différentes souches peuvent être comestibles pour les unes, et plus ou moins toxiques pour les autres, selon la région de récolte.
Plusieurs autres espèces de bolets sont consommées. Attention, on sait depuis peu que le bolet bai (Boletus badius) et le bolet à pied rouge (Boletus erythropus), sont comestibles cuits mais toxiques crus.
Il est probable que d’autres bolets sont également toxiques crus. Depuis quelques années, la liste des champignons « comestibles cuits » mais « toxiques crus » ne cesse de s’allonger. N’en déplaise aux grands chefs qui donnent des recettes de « carpaccio de cèpes » à la télévision, on n’a aucun recul sur la comestibilité réelle des cèpes crus. Il est possible que les (très) faibles quantités que mettent ces chefs dans les assiettes soient inoffensives, mais que se passe-t-il lorsqu’on en consomme de pleines assiettes, plusieurs jours de suite ? Nul ne le sait encore, mais on devrait bientôt le savoir…
Les chanterelles et les craterelles
La girolle
En occitan giròla /girôlo/ ou aurelheta /aourélléto/
La girolle (Cantarellus cibarius), se trouve de juin à novembre, sur sol siliceux, surtout sous feuillus, et elle pousse lorsque l’humidité du sol est suffisante, par exemple une dizaine de jours après une forte pluie orageuse. C’est une chanterelle en forme de trompette. Sa chair est épaisse et ferme, son pied et son chapeau sont pleins. Elle ne mesure habituellement pas plus de 10 cm de diamètre et de hauteur. Lors de sa croissance, le chapeau se creuse en son centre, et ses marges deviennent ondulées et lobées. Sa couleur est le plus souvent d’un beau jaune vif, parfois jaune d’ocre plus terne. Sa partie fertile n’est pas constituée de lames, mais de plis anguleux, fourchus. Son odeur est caractéristique, et se reconnaît entre toutes : elle est fruitée, un peu acidulée, rappelant celle de l’abricot.
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On trouve assez souvent la Chanterelle en tube (Craterellus tubaeformis) et sa variété la chanterelle jaune (Craterellus lutescens). Toutes deux sont nettement moins charnues que la girolle, et ne dépassent guère 5 ou 6 cm de haut. Leur chapeau est jaune grisâtre, leur pied est plus nettement jaune, habituellement creux avec l’âge. La surface fertile de la chanterelle en tubes est jaune-gris, formée de plis bien nets, dont la base est bien délimitée en haut du pied. La chanterelle jaune s’en distingue par des plis moins apparents, descendant de manière diffuse et irrégulière sur le pied.
La trompette des morts
En occitan Trompeta dels mòrts /troumpéto dals môrts’/
La trompette des morts (Craterellus cornucopioides), ou Craterelle corne d’abondance, se trouve au sol, en automne. Elle forme des colonies dans les bois de chênes et de châtaigniers, souvent cachées sous le lierre ou les feuilles mortes. Elle mesure habituellement de 3 à 12cm de diamètre.
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La trompette des morts se reconnaît facilement à sa chair très fragile et à sa forme en trompette, creuse jusqu’à la base. Le pied (partie ne portant pas de surface fertile) est court et prolonge la base du chapeau. Le chapeau peut atteindre 12 à 15 cm de diamètre, sa marge est irrégulièrement lobée. L’intérieur de la trompette est d’un gris plus ou moins foncé, et l’extérieur, qui porte la partie fertile formée de plis à peine marqués, est d’un gris plus cendré.
Le Pied de mouton
En occitan Dent de rat /dént dé rat’/, ou Penchenilla /péntsénillo/
Le Pied de moutons (Hydnum repandum), se trouve en automne, parfois tard en saison, aussi bien sous feuillus que sous conifères. C’est un champignon au port trapu, à la chair épaisse, mais fragile et cassante. Son pied est court, presque blanc. Son chapeau dépasse rarement 10 cm de diamètre. Il est habituellement de couleur ocre clair, mais il peut varier du blanc crème à l’ocre orangé. Sa marge enroulée cache sa principale caractéristique : sa partie fertile est constituée de petits aiguillons, serrés, fragiles et cassants. Il est impossible de le confondre avec une autre espèce !
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Les lactaires à latex orangé ou rouge vineux
En occitan, ces lactaires sont collectivement appelés rosilhons /rousillous/.
Ils poussent exclusivement sous conifères. Quand ils sont jeunes, leur couleur dominante est orangée. Leur chapeau est vite creusé en son centre, et plus ou moins zoné concentriquement. Tous verdissent plus ou moins avec l’âge et dans les blessures.
Nous citerons les cinq espèces les plus courantes :
Le Lactaire sanguin (Lactarius sanguifluus), le Lactaire semi-sanguin (Lactarius semisanguifluus) et le Lactaire délicieux (Lactarius deliciosus) sont, dans cet ordre, les plus appréciés pour leurs qualités gustatives. Ils ne se trouvent que sous les pins, les deux premiers uniquement en terrain calcaire. Le Lactaire sanguin est une espèce thermophile, qui ne semble pas être présente dans le Tarn.
À la coupe, le Lactaire sanguin laisse couler un latex immédiatement rouge sang à rouge vineux, le Lactaire semi-sanguin laisse couler un latex orangé qui devient rouge vineux en 5 à 10 minutes, et le Lactaire délicieux laisse couler un latex orange carotte, immuable pendant au moins 15 minutes.
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Le mycologue Fries, qui a décrit et nommé le lactaire délicieux au XVIIIème siècle, aurait dû attribuer ce nom au Lactaire sanguin, particulièrement apprécié de nos amis catalans.

Le Lactaire couleur de saumon (Lactarius salmonicolor) ne pousse que sous les sapins.

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Le Lactaire de l’épicéa (Lactarius deterrimus) ne pousse que sous les épicéas.

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Les champignons toxiques ou à rejeter
Même si quelques autres espèces de champignons peuvent être consommées sans risque particulier (n’oublions pas les truffes…), il est déjà très bien de reconnaître sans risque de confusion la vingtaine d’espèces qui viennent d’être décrites, et mieux vaut s’en contenter. Un mycologue très averti pourra – avec prudence – en consonner 2 ou 3 fois plus. Au final, le pourcentage des espèces de champignon consommables sans risques particuliers ne dépasse guère … 1% du nombre total des espèces de France métropolitaine.
Le nombre des espèces toxiques à des degrés divers n’est pas connu avec précision par manque de données toxicologiques, mais il dépasse probablement les 500 : il faut attendre que quelqu’un s’empoisonne … qu’on le sache, que l’espèce soit bien identifiée et que l’information soit diffusée. La liste des espèces toxiques continuera probablement à s’allonger dans les années à venir.
Toutes les autres espèces, soit environ 90% de la fonge de France métropolitaine, sont a priori à rejeter, par prudence et à défaut de données toxicologiques suffisantes, ou pour diverses autres raisons, par exemple un goût exécrable ou une consistance peu appréciée.
La liste des champignons toxiques s’est considérablement allongée (et elle continuera à s’allonger) depuis que la prudence ancestrale, le « biaïs » de nos anciens, a été oubliée pour faire place à une vision un peu trop idéalisée de la nature, qui fait croire à certains que « dans la nature, tout est bon ».
La prudence de nos ancêtres vis-à-vis des champignons était probablement justifiée par plusieurs aspects de la toxicité des champignons, qui ne leur avait probablement pas échappée, mais qui avaient été oubliés par la mémoire collective :
La « toxicité classique » concerne des espèces qui empoisonnent systématiquement tous les convives, à la suite d’une seule consommation.
En Europe, l’Amanite phalloïde (Amanita phalloïdes) est responsable de 9 intoxications mortelles sur 10. Même si ses premiers symptômes n’apparaissent que de 5 à 7 heures après ingestion, on peut manifestement associer l’intoxication à la consommation de cette espèce. L’Amanite phalloïde est identifiée comme toxique mortel depuis plus de 2000 ans : elle était utilisée comme poison dans l’antiquité romaine.
La toxicité du Cortinaire couleur de Roucou, qui n’est connue que depuis une cinquantaine d’années, a été plus difficile à mettre en évidence : les premiers symptômes peuvent n’apparaître qu’au bout de deux à trois semaines après consommation.
La toxicité mortelle de la Galère marginée (Galerina marginata) et des petites lépiotes (groupe de Lepiota helveola et de Lepiota brunneoincarnata) n’a été émise en évidence qu’à la suite de confusions avec des espèces comestibles.

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Noter qu’elle est mangée par des limaces, insensibles à ses toxines.

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L’une des petites lépiotes toxiques : la Lépiote brun-lilas – Photo PhD
La « toxicité individuelle » ne concerne que certains individus, relativement à certaines espèces : intolérance à certains composants du champignon, réactions allergiques, interactions avec d’autres molécules (médicaments, par exemple).
La « toxicité avec effet de seuil » n’a été (re)découverte que depuis 30 ou 40 ans. Les toxines des espèces en cause s’accumulent dans le corps sans être éliminées, ou déclenchent de violentes réactions allergiques, lorsqu’un certain seuil individuel est atteint et dépassé. La toxicité mortelle du Gyromitre, du Paxille enroulé, du Tricholome équestre est de ce type. Il est probable que d’autres espèces, non ou peu consommées, présentent ce type de toxicité.

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La « toxicité du champignon cru » se confirme d’année en année, en même temps que se développe la mode de consommer les aliments crus. Le nombre d’espèces qui peuvent âtre consommées crues, et seulement occasionnellement et en petite quantité, se compte sur les doigts d’une main…
Parmi les espèces classiquement considérées comme « bons comestibles », on rappellera que les morilles, l’Amanite rougissante (Amanita rubescens), le Bolet bai (Xerocomus badius) et le Bolet à pied rouge (Boletus erythropus) sont toxiques crus.

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La consommation de champignons sauvages crus présente un autre risque : la transmission de maladies parasitaires.
Les parasitoses les plus à craindre sont les leptospiroses, dues à des bactéries transmises par les urines des petits rongeurs et de leurs prédateurs.
Il est urgent de réhabiliter les prédateurs des petits rongeurs, et d’arrêter d’essayer de les éliminer, sous prétexte qu’ils mangent quelques poules et du gibier.
C’est une vision à court terme, qui ne voit que des intérêts individuels immédiats, au détriment de l’intérêt collectif. En effet, ces prédateurs ne sont pas que « nuisibles » ! Dans nos régions, chaque renard consomme de 6000 à 10000 campagnols par an. De manière générale, les campagnols et autres petits rongeurs (nombreux mais très discrets) sont simultanément vecteurs des leptospiroses, de la rage (dans les régions où elle sévit) et indirectement de la maladie de Lyme, par les tiques qu’ils portent.
Tuer les renards ne fait pas disparaître la rage : dans l’Est de la France, la dispersion d’appâts destinés aux renards et contenant des vaccins contre la rage s’est avérée bien plus efficace que l’élimination des renards, dont les territoires libres sont rapidement occupés … par d’autres renards porteurs potentiels de la rage.
Chacun sait que la maladie de Lyme, très invalidante et souvent muette pendant des années, devient un problème majeur de santé publique, qui touche aussi … les chasseurs de renards et d’autre « nuisibles » ! Que chacun accepte de regarder objectivement quel est, à long terme et pour la collectivité, le bilan bénéfice/risque de certaines pratiques traditionnelles.
Retrouvez le biais de nos anciens
Rappels de prudence !
Sur le terrain, identifiez avec certitude chaque champignon récolté, et revérifiez son identité avant de le cuisiner. Rejetez tout spécimen dont la détermination est douteuse.
Il est tout aussi important de connaître les espèces que l’on recherche que de connaître les espèces toxiques avec lesquelles elles peuvent être confondues.

Souvenez-vous qu’une espèce de champignon n’est comestible que si elle est régulièrement consommée sans risque particulier par de nombreuses personnes dans la région de sa récolte.
Les champignons toxiques sont bien plus nombreux que les comestibles, et leur liste provisoire s’allonge d’année en année … au fur et à mesure des intoxications.

Ne succombez pas à l’effet d’aubaine que pourrait présenter une récolte abondante d’une espèce à l’aspect engageant.
Résistez à la tentation de consommer la mortelle mais si belle et si appétissante Amanite phalloïde !

Portez votre récolte dans un panier.
Dans un sac en plastique, les meilleurs comestibles seront vite mâchés et ils fermenteront, devenant rapidement impropres à la consommation.

Cuisinez les champignons le plus rapidement possible après récolte.
Si vous les faites sécher, si vous les congelez (de préférence après cuisson), ou si vous les mettez en conserve, faites-le aussi le plus rapidement possible après récolte.

Consommez les champignons bien cuits et rappelez-vous que tout champignon, même le cèpe, consommé trop souvent et/ou en trop grande quantité, est susceptible de provoquer une intolérance digestive ou une intoxication.
Pour aller plus loin
Si vous souhaitez en savoir plus sur les champignons, rapprochez-vous des associations mycologiques de votre région, et consultez les dernières éditions de l’un ou l’autre des ouvrages mycologiques de référence suivants :
Ouvrages généraux, France et Europe :
Régis Courtecuisse & Bernard Duhem – Champignons de France et d’Europe – Delachaux & Niestlé – 2013 (réimpression 2017)
Guillaumpe Eyssartier & Pierre Roux – Le guide des champignons, France et Europe – Belin – 2017 (4ème édition).
Champignons méditerranéens
Didier Borgarino & Christian Hurtado – Le guides des champignons – Edisud 2006.
Les ouvrages ci-dessus sont les plus récents. Attention cependant : le nombre de champignons comestibles diminue régulièrement, et certaines indications de comestibilité sont susceptibles de changer dans les années à venir. Ne vous fiez pas aux indications de comestibilité d’ouvrages plus anciens.
Soyez extrêmement prudent dans vos déterminations : une simple comparaison photographique ne permet pas toujours de séparer une espèce des espèces ressemblantes. Observez bien chaque caractère, et n’oubliez pas que certaines espèces ne peuvent être déterminées qu’avec l’aide d’un microscope ou par des réactifs chimiques, par des personnes expérimentées, ayant une longue expérience.
Ne vous fiez pas à des « règles » réductrices et simplistes, par exemple « un champignon est comestible lorsqu’il est mangé par des limaces » (voir la photo de l’Amanite phalloïde). Toutes ces règles sont fausses et dangereuses, et ne font que masquer l’ignorance de ceux qui les colportent. Le seul moyen de savoir si un champignon est comestible (ou non) est d’apprendre à le déterminer avec certitude, en se référant aux connaissances actuelles des Centres Anti Poisons sur sa comestibilité, qui reste toujours relative, ou sur sa toxicité.
En cas d’intoxication, appeler le 15 ou contacter le Centre Anti-poisons de Toulouse, au 05 61 77 74 47 ou celui de Montpellier, au 04 91 75 25 25.

Champignons des Monts de Lacaune – Annexe

Liste non limitative et provisoire des champignons toxiques responsables de la majorité des intoxications en France métropolitaine
M = mortel, MES = mortel avec effet de seuil, TT = très toxique, T = toxique,
TES = toxique avec effet de seuil, TC = toxique seulement s’il est mangé cru

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