Les drailles étaient des circuits empruntés par les troupeaux pour se rendre pendant la bonne saison aux pâturages d’estive. Nos voisins du bas pays de l’Hérault venaient profiter de la verdure de nos montagnes, quand la sécheresse marquait la saison estivale.

Nous avons peu d’éléments sur les circuits empruntés pour monter sur notre montagne. Aussi nous lançons ici un appel à nos lecteurs pour nous apporter des éléments.

Voici ce que nous connaissons déjà sur la présence de troupeaux en transhumance.

Les mémoires de la transhumance dans notre secteur (Communauté des communes des Monts de Lacaune en Haut-Languedoc)

Il en a été question dans deux jugements de la justice de paix de Murat.

La première concerne la masade des Senausses :

À l’audience du 17 juillet 1815, Jean Rouanet de Violgues (commune de Saint Vincent), intervenant comme propriétaire du domaine des Senausses a fait citer à comparaître Jacques Valette et Jacques Carrière des Senausses, ainsi que François Ferlet et Pierre Vidal, conducteurs de troupeaux de Loupiac. Comme les troupeaux étrangers conduits par ces bergers sont allés paître dans la masade des Senausses, Rouanet demande qu’on interdise une telle pratique et qu’on lui accorde 500 francs de dommages. Valette et Carrière sont poursuivis car ils ont donné leur accord verbal aux dits bergers. Ainsi 500 bêtes sont allées paître indument dans la masade. Les dits bergers ont refusé d’obtempérer aux ordres de l’adjoint au maire qui leur demandait de partir.

À l’audience, l’un des bergers a dit qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres. Sont alors apparus des habitants des Senausses qui agissent pour eux et pour ceux qui n’ont pu venir. Le juge obtient une médiation :

Le fumier des troupeaux étrangers sera partagé entre les usagers de la masade en fonction de l’alivrement (base d’imposition foncière). Rouanet reçoit la moitié du dit fumier.

Les troupeaux étrangers ne pourront plus dépaître sur le tènement appelé Mathe grande et Le Capel, demeurant exclusivement réservé pour le troupeau de Rouanet.

Les troupeaux étrangers ne pourront pas être d’un nombre supérieur à 1 000  bêtes à laine.

Les frais du procès sont partagés pour moitié entre Rouanet et les habitants des Senausses.

Yvon Molières de Violgues, nous a dit que la maison des Rouanet à Violgues était voisine de la sienne et est occupée aujourd’hui par Catherine qui vient faire à Payrac des démonstrations de filage de la laine. La draille partant de Violgues allait jusqu’à Fraïsse. Marcel Cauquil nous dit que de Fraïsse, elle montait vers le col de la Frajure en coupant les virages de la route. Puis après l’embranchement de Combacélieu, elle montait droit dans les sapins actuels pour arriver au col de la Frajure et descendre droit sur Villelongue dans le ceux du relief.

La deuxième transhumance citée concerne la masade de Peiroux :

À l’audience du 2 août 1819, Pierre Pinenq, cordonnier, Jacques Pinenq, maçon, Marianne Pinenq, fille majeure, sans profession, Pinenq, cordonnier, Joseph Bardi, cultivateur, François Azaïs, maçon et Marianne fabré, mère d’Étienne, maçon, agissant pour le compte de Pierre Alengrin, cultivateur et d’Étienne Bardy, maçon, tous domiciliés à Peiroux (Murat), agissant solidairement, ont fait citer à comparaitre André vié, Étienne Fabré et Jean Négré, tous propriétaires cultivateurs.

Ils réclament leur part des sommes que leurs adversaires ont encaissé suite à l’ouverture des mazades à un troupeau étranger dit de Tarry. Cette part est le 10/32e.soit 34 francs.

Les cités soulignent la cupidité de leurs adversaires. Ils citent la loi de juin 1793, qui avait ordonné le partage des communaux, annulée peu après. S’agissant de la jouissance des mazades, ils font valoir que les conflits à leur sujet ne relèvent pas de la justice ordinaire.

Les affaires précédentes se sont déroulées, il y a deux cents ans.

Plus proche de nous, il y a une centaine d’années, Georges SOUYRIS, de Montpellier raconte ses souvenirs d’enfance chez les grands-parents à Griffoulou (commune de Nages)  (cf cahier de Rieumontagné n°75, p 101).

« L’exploitation était très modeste, elle permettait seulement à la famille de survivre chichement, en autarcie presque totale, tout au moins en ce qui concerne la nourriture. La plupart des terrains exploités étaient des biens communaux qu’on appelle là-haut des biens de masade. Le cheptel était uniquement constitué par deux ou trois cochons, deux vaches qui servaient aussi de bêtes de trait et une trentaine de moutons. Pendant la belle saison, il y avait aussi un troupeau monté d’Olargues en transhumance. »

Au-dessus de Griffoulou, il y a en effet une vaste étendue de terrains communaux.

Dans Voies romaines, drayes et chemins présumés antiques ou anciens – État de la question par Jean Delmas (dans Cahiers d’Archéologie aveyronnaise n° 19 de 2006, p 129 à 154), des indications sont fournies sur les drailles associées aux grands axes de circulation.

Nous citons Jean Delmas : « Les drayes (occilan : draias, draigas) : le mot désigne des chemins de transhumance remontant souvent à la préhistoire (présence de dolmens sur leur parcours). Ce ne sont pas de simples pistes : elles sont jalonnées de mares pour abreuver les bêtes et de haltes et elles sont souvent bordées de murettes pour contenir les troupeaux. Elles sont plus nombreuses au nord et au centre du Rouergue. »

« Dans un classement relatif, le camin ferrat vienl après la draia, piste ouverte par les pasteurs transhumants. ll suppose un travail de terrassement. ll est plus diff icile de le distinguer de I’estrada qui, elle, aurait été pavée (strata wa). Cependant, les superpositions d’appellations montrent qu’une draia et une estrada ont pu devenir des camins ferrats. »

Jean Delmas indique : « Les contributions de J. Sahuc pour l’itinéraire de Béziers à Montfranc et d’E. Bergès pour la portion entre ce lieu et Albi. C’est la voie à laquelle auraient abouti trois drayes du Languedoc : la première du Minervois à la Salvetat-sui-Agout (lieux-dits Les Drayes et sauveté), puis aux Monts de Lacaune ; la seconde depuis Quarante jusqu’à Fraisse-sur- Agout, vers Murat-sur-Vèbre ; la troisième d’Hérépian vers Saint- Gervais-sur-Mare et la Croix de Mounis. 

Yvon MOLIÈRES de Violgues indique :

La « draye » de Fraisse figure sur le plan cadastral – commune de SAINT-VINCENT D’OLARGUES -34390- Section E dite de Violgues. Elle est matérialisée au départ de Violgues sur une longueur d’environ 2 km.

Categories: Le blog

Laisser un commentaire

En savoir plus sur La gazette des amoureux des monts de lacaune

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Continue reading