ENERGIES ET CLIMAT

La question des menaces dues aux dérèglements climatiques n’est plus une question dans la plupart

des pays développés. Mais elle n’est point la seule à y occuper les esprits, et nous sommes loin d’avoir

dans le monde entier une appréciation fine et juste de l’intensité des risques que nous encourons.

Enfin faudrait-il être bien naïf pour croire que le monde puisse se résoudre à abandonner l’idée ou

l’espérance de croissances économiques.

Si on se restreint au seul domaine des opinions et des politiques européennes, on ne peut qu’être

frappé de cinq incongruités :

– Il est bien irréaliste de penser que l’Europe pourrait imposer des taxes carbone à ses

importations venues de pays se refusant à s’engager sur la question climatique. Ne serait-ce

que pour les produits agricoles et alimentaires, ces taxes seraient incalculables. Et comment

définir les seuils entre ceux censés jouer le jeu et ceux qui s’y refuseraient ?

– Alors que toutes les études scientifiques réalisées depuis 2010 montrent qu’il serait

indispensable qu’au moins dans le G30 les électricités produites le soient à moins de 50gCO2/

Kwh, cette conclusion n’est que fort peu connue, pas davantage du reste dans les médias que

dans la sphère politique ;

– Alors que le bon sens aurait voulu qu’on promeuve également tous les véhicules automobiles

émettant moins de 80g CO2 par kilomètre parcouru, on s’est précipité en Europe vers les

batteries électriques à base de batteries Li-ion sans mesurer ou vouloir mesurer que les

véhicules automobiles correspondants , si fabriqués en Europe, ne seraient accessibles qu’à

une minorité aisée.

– L’intérêt de jouer sur la reforestation, partout où elle serait praticable à moindres coûts a

complètement échappé à de quelconques « radars publics ».

– Enfin les gouvernements allemands et français se sont montrés incapables de réfléchir monde

et se sont complus à prétendre que leurs choix énergétiques propres étaient tels qu’il leur était

inutile de penser à ce qui pourrait advenir pour le monde, en particulier si une régulation

mondiale était ou non envisageable, ou si on ne pourrait s’en sortir en en éludant la nécessité.

Oublions à présent ces incongruités, et tentons de voir ce qui pourrait être souligné.

Sept technologies ou savoirs-clé sont acquis :

-le solaire photovoltaïque ;

-l’éolien terrestre ou maritime, du moins par faibles fonds sous-marins ;

-les centrales nucléaires classiques ( REP ou REB) ;

-la captation-séquestration du CO2 dans des terrains géologiquement sûrs ;

-les voitures thermiques de faibles émissions et les véhicules électriques ou hybrides dits

rechargeables ;

-les maisons nouvelles à énergie positive, conçues pour l’être complètement ou quasicomplètement

;

-les savoir-faire d’agro-foresterie.

Une technologie est infiniment probable, acquise au labo, en voie d’être validée industriellement (

(durabilité) : l’électrolyse à haute température de l’eau, qui se trouve être aussi une co-électrolyse

du CO2 et de l’eau, laquelle est critique pour des « cimenteries aussi propres que possible. Sinon,

rien qu’à ce titre, la lutte contre les dérèglements climatiques butera sur une demande « infreinable

mondialement ».

Deux technologies sont infiniment probables, à moins de 8-9 ans :

-des réacteurs nucléaires classiques valorisant U 238, Pu et sans doute Th 232 (ce qui élimine au

moins pour les 2 ou 3 siècles à venir la contrainte de disponibilité de ressources).

– les batteries de stockage d’électricité stationnaire (sans doute Zinc-Air, pas de contraintes ni de

poids ni de place).

Enfin subsiste une inconnue : y aura-t-il assez de lithium sur terre pour les besoins de l’humanité

toute entière ou trouvera-t-on des batteries autres que Li-Ion pour les véhicules automobiles,

notamment pour les plug-in rechargeables, ou sera-t-on contraint après 2030 ou 2035 de passer à

des véhicules automobiles à H2 ?

Il est frappant de voir que ce panorama est loin d’être connu, et a fortiori partagé.

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Evidemment aussi, on ne peut réussir à relever les défis climatiques si les peuples ne se sentent pas

impliqués ou concernés.

Oublions aujourd’hui les objectifs, du reste irréalistes, d’un accroissement moyen des températures

limité à 1,5 ou 2° C, car on ira sûrement au +2,5°C . Comment faire comprendre ou partager que si l’on

en venait à dépasser les 3°C, le monde lui-même échapperait à toute maîtrise et à tout contrôle ? Il y

a donc réel péril.

Mais, en même temps, on va tout droit à une situation où, dans les pays développés, s’opposeront

ceux qui pensent développement économique et ceux qui pensent sauvegarde du monde, tandis que,

dans les autres pays, on ne manquera pas de rejeter la « faute » sur les pays riches et leurs égoismes.

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Prenons donc en compte ces deux données, la première technologique, la seconde sociologique et

politique.

Animés de ce souci d’être à la fois réalistes et concrets, mais aussi convaincants (!), les

Gouvernements pourraient s’accorder sur le train de mesures suivantes :

1) Les pays du G 30 s’accordent pour ramener leurs émissions de CO2 dues à la fabrication

d’électricité à moins de 50g CO2/ Kwh d’ici 20 ans ;

2) Les pays du G 30 s’accordent à ce que toutes leurs activités industrielles conduisant à des

processus énergétiques réclamant des températures de plus de 800°C soient effectuées audelà

des vingt prochaines années soit avec de l’électricité soit avec de l’hydrogène produit à

partir d’électricité ;

3) Toute importation de produits correspondants (biens dits d’industries lourdes) venue de

pays extérieurs au G30 serait soumise à de très fortes taxes carbone, sauf à être assurée par

des technologies propres.

4) Les pays du G30 se donnent au maximum 10 ans pour confirmer ou infirmer qu’il existe ou

non des technologies de batteries pour assurer ou non une transition des transports

automobiles mondiaux vers soit des voitures électriques soit vers des voitures hybrides

rechargeables.

5) Si la réponse à ce défi devait être négative, la mutation vers des transports à l’hydrogène

serait engagée dans les quinze ans qui suivent.

6) Quoi qu’il en soit les pays du G30 s’engagent à avoir en moyenne des transports par

automobiles et camions ou bus courte distance émettant d’ici moins de 5 fois d’émissions de

CO2 par kilomètre parcouru en regard des moyennes aujourd’hui connues, et ce d’ici 2045.

7) Les pays non membres du G30 auront le choix d’ici 2025 soit d’aller vers des scénarios

d’économies faiblement carbonées soit d’aller vers le paiement de taxes carbones pour

toutes leurs exportations vers le G30.

Ces scénarios dits d’économies faiblement carbonées supposeraient pour eux soit une

stabilisation de leurs émissions au niveau qu’elles avaient en 2020 soit des engagements de

s’engager vers des économies faiblement carbonées, dès lors que ces émissions

dépasseraient un seuil à déterminer en t CO2 annuelles émises par habitant.

8) Après 2030, les prêts internationaux pour le développement des pays dits « pauvres » seront

subordonnés à l’existence de plans d’agro-foresterie.

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Enfin ce repositionnement tant du sujet que de ses enjeux aiderait à sortir de ce climat anxiogène

dans lequel notre propre pays est à présent entré. Où on se complaît à pondre des règlementations

ou des soit-disantes prospectives, qui soit seront irréalistes soit conduiront à une réelle

désespérance.

Alain Bucaille, Janvier 2023.

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