LE BIAÏS DES PAYSANS VÉTÉRINAIRES

Autrefois, il n’y avait pas dans nos campagnes de vétérinaires. Certains paysans avaient acquis assez de connaissances, confortées par l’expérience pour intervenir lorsque l’un d’entre eux avait des difficultés.

ANDRÉ COUTAL MAIRE DE LACAZE ET PAYSAN VÉTÉRINAIRE

André Coutal est né en 1895 à Lacaze et est décédé en 1975. Il habitait à la la Font del lop(/ Foun dél loup/ )( commune de Lacaze). Il avait une propriété avec 15 vaches et 80 brebis. Il a été maire de Lacaze et a effectué deux mandats dans les années 1950.

A côté de ça, il faisait le vétérinaire. C’était une tradition de famille. Il se déplaçait toujours à pied pour soigner les bêtes surtout quand une vache avait des difficultés pour mettre bas. Il fabriquait aussi des tisanes et des onguents à appliquer. On venait le chercher et, à la fin, sa fille exigeait qu’on le ramène (en pleine nuit, par gros orage, ça n’allait pas !).

Il intervenait pour le vêlage des vaches :

1-la matrice est retournée, autrefois, on attachait la vache en la faisant rouler dans un terrain en pente, on bloquait le veau et on continuait jusqu’à ce qu’on y arrive. Aujourd’hui, on laisse la vache en place et avec le bras de l’intervenant on fait tourner le veau.
2 le veau arrivait par le siège ; on cherchait une patte pour tirer sans déchirer la matrice avec une ficelle à l’extérieur et on allait chercher la deuxième patte et puis on tirait le veau.

2-le veau arrivait par le siège ; on cherchait une patte pour tirer sans déchirer la matrice avec une ficelle à l’extérieur et il allait aller chercher la deuxième patte et puis on tirait le veau.

3-le veau arrivait avec la tête en dessous. Or, à l’envers, le veau ne passait pas. Il fallait le retourner pour faire passer la tête au-dessus des pattes. On repoussait et puis on tirait le veau.

Marguerite Avizou indique que son père intervenait aussi pour rentrer la matrice. Pour pouvoir aller au fond, il prenait une bouteille de plastique de 1,5 l pour être sûr qu’elle était rentrée convenablement. Parfois il fallait y retourner même si on avait pris soin d’attacher une corde autour de la vache.

Les gens l’appelaient aussi pour les vaches qui avaient le capborne (ou coryza du cerveau). La recette était de prendre une pierre calcaire + eau+ vinaigre et on les faisait chauffer. On passait la mixture sous le nez de la vache et les vapeurs faisaient du bien à la vache. Recette qui venait du grand-père. 

Quand une vache était gonflée, on lui mettait une redonda (/rédoundo/)  dans la bouche attachée aux cornes, on tenait la tête en arrière et avec un bâton entouré de tissu imbibé de vinaigre, on faisait dégorger la vache.

Sur les brebis, André Coutal avait de trop grosses mains pour intervenir lors d’un agnelage.  Paul Bousquet, un voisin avait des mains petites et était efficace pour une telle intervention.

André Coutal soignait le muguet des agneaux qui ne pouvaient pas téter, ça saignait de partout et ça abîmait les mamelles des brebis. Avec un morceau de sucre, on écrasait le cœur dans la bouche pour qu’il saigne. On passait du vin sucré sur les plaies ; normalement c’était guéri.

Il fabriquait une pommade avec perlusine, camphre, cire, huile et savon. On faisait chauffer dans un récipient métallique pour que ce soit fondu à feu très doux. On le passait au trayon des mamelles des brebis.

AIMÉ GUIRAUD UN PAYSAN VÉTÉRINAIRE DE LA SALVETAT

Aimé Guiraud de La Gachette (La Salvetat), 90 ans, est un témoin vivant de cette activité de paysan-vétérinaire.
Ses principales interventions concernaient les vêlages qui ne se passaient pas très bien. Il intervenait dans les mêmes conditions que dans les trois cas vus plus haut : matrice retournée, veau arrivant par le siège, veau arrivant avec la tête en dessous.
Il n’y avait pas de vétérinaire à La Salvetat , mais à Saint-Pons et surtout à Lacaune. Aimé Guiraud était appelé souvent et il se souvient qu’une fois, il avait été appelé trois fois dans la même nuit. Il était vu comme meilleur que les vétérinaires jusqu’à l’arrivée de Radeff. Ambe el, aquò óc !
Lorsqu’il en avait, il mettait des oblets, gros comprimés d’antibiotiques dans la matrice pour éviter une infection. L’intervention d’Aimé Guiraud était gratuite ; il se contentait d’une tasse de café.
Avec les vaches, il intervenait aussi sur les mammites. Il avait un don : il prenait une grosse pièce de Napoléon et quand un pis avait la mammite, il faisait trois fois le tour avec la pièce tout en prononçant une formule magique. Et l’affaire était réglée.
 
POUR SE SOIGNER AUX LIMITES DE LA MAGIE
Le recours aux guérisseurs
Chez nous, c’étaient des personnes qui faisaient cela de temps en temps, avec le désir de rendre service, dans le cercle restreint du voisinage. Elles le faisaient de bonne foi sans objectif mercantile. Elles faisaient disparaître les douleurs cutanées comme l’érésipèle ou des brûlures, d’une façon quasi instantanée. C’est ce don qu’avait Sylvain Cauquil de La Capte. Il faisait aussi disparaître les verrues.
Denis Oulès raconte: « Ma sóre arrestava lo fuóc. » Ma sœur arrêtait les inflammations.
Ernest Molinier soigne les brûlures, les zonas. D’abord sceptique sur son propre pouvoir à partir de ce qu’on lui avait enseigné, il se rend compte que les gens sont satisfaits de ses services, comme ceux qui viennent le voir pour les brûlures consécutives à un traitement par des rayons.
Thérèse Pistre raconte : À Cabrié, Lo Perral m’a fait disparaître très vite mes verrues.
Une ancienne habitante de Carlebou) rapporte qu’une belle jeune fille était complexée car sa main gauche était couverte de verrues. Elle avait tout fait pour les faire disparaître, de l’acide, du jus de chélidoine, même les remèdes de rebouteux. On lui indique le guérisseur du village. Elle prend rendez-vous. Le jour fixé, le guérisseur demande à la jeune fille d’aller au jardin d’à côté et de ramener un poireau. Le guérisseur le coupe en deux dans le sens de la longueur et l’applique sur la main en forme de croix. Assez sceptique, elle sourit. « Il faut essayer d’y croire ! » lui dit l’homme et il fit plusieurs signes de croix, murmura une prière. « Voilà, le temps fera le nécessaire ! » Pendant quelques jours, la jeune fille surveille sa main de très près. Rien ne se passe. Les verrues sont toujours là. Elle ne regarde plus sa main et un jour, surprise ! Sa main gauche est aussi nette que l’autre ; sans aucune cicatrice. Émerveillée, elle court remercier le guérisseur qui n’est pas étonné. Bien d’autres sont venus ainsi lui manifester leur reconnaissance.
Robert Calas raconte : « Vers l’âge de 15 ans, j’avais les mains « claoufies » de verrues, cela me gênait physiquement et esthétiquement ; je voyais certaines personnes qui hésitaient à me serrer la main. Les médicaments classiques n’y faisaient rien: verulyses et autres « poutingues« . J’avais même tenté de les brûler à l’acide chlorhydrique, mal m’en prit et m’en cuit ! J’étais aller voir le guérisseur local, Mouret de Villelongue, qui m’avait fait la « patufa« . Rien à faire. Un jour, un pêcheur venu de Castres me regarda les mains. Sans mot dire, il prit quelques œufs de saumon, appât (illicite) dont il se servait pour attirer les truites, et les écrasa sur toutes mes verrues. Il me recommanda de ne pas me laver les mains de sitôt. Quelques jours après, en me réveillant je constatai, avec grand soulagement, que tous mes « agacins » avaient totalement disparu… »
 
Pour soigner un érésipèle (c’est une dermo-hypodermite aiguë non nécrosante qui provoque des démangeaisons), Marie Rols raconte : «  La brûler, tout le tour avec un fer chaud et la piquer avec une baleine de parapluie chaude. Frictionner avec un oignon et de l’alcool à brûler. Faire tomber de l’argent soit d’une bague ou d’une pièce de 20 sous dans un peu de trois-six et avec la bague ou la pièce faire le tour du petit bouton où l’érésipèle commence. »

LES REBOUTEUX LOS REBOTAIRES
Enric de la Lauza rapporte : «  Mon frère s’était estropié une cheville, en sautant un mur, à la chasse. Je suis allé chercher à Narulle Joseph Pistre, qui nous a portés dans sa 2 CV camionnette aux Germanes afin de rencontrer un rebouteux. Celui-ci fit le diagnostic que la cheville était déboîtée et que l’os de dessus était légèrement fêlé.
Il nous demanda de tenir mon frère, pendant qu’il prit le pied de ses deux mains, il tira dessus puis à droite et à gauche. Il posa le pied par terre : « Voilà, c’est fini, tout est en place ! » « Me damne, que m’as fach mal ! » (Que tu m’as fait mal) répondit mon frère. La dame de la maison fit boire un petit verre et une bande fut posée autour du pied. « Quand vous serez à la maison, faites des bains d’amidon, deux fois par jour. Après chaque bain, remettez la bande. Surtout de huit jours, ne posez pas le pied par terre. Après, vous marcherez comme avant. » Et effectivement, quinze jours après, mon frère vaquait à ses occupations.

Une fois, Denis Oulès s’étais tordu le cou et souffrait l’enfer, sans pouvoir bouger la tête. On l’a emmené chez une dame Séguier de Lacaune, en souffrant le martyre dans la voiture qui l’a transporté. Là elle l’a fait asseoir et l’a emponhat per la borra (l’a pris par les cheveux). Et en fin de compte, elle a tout remis en place, il ne sentait plus rien.
Cette personne a aussi remis en place le bras d’Ernest Molinier.
Jean Séguier. Précise que cette Albanie Séguier était sa tante. Elle tenait le secret d’une sœur de sa grand-mère, Mathilde Valette, qui était une sacrée personnalité. Elle habitait rue de la Mairie et son mari était maçon. Quand celui-ci et ses ouvriers refaisaient le toit de l’église de Lamontélarié, elle partait à pied pour trois bonnes heures leur porter le repas de midi et pour ne pas perdre de temps, elle tricotait une chaussette à l’aller et une autre au retour !

DES REMÈDES INATTENDUS AVEC LA VIPÈRE ET LE FIEL DU COCHON 

Marcel Cauquil indique que notre région a deux sortes de vipères, l’aspic, brun rouge, et la vipère péliade, plus noire et plus grosse. Quand on tuait une vipère, il fallait y couper la tête et la queue, car il paraît que celle-ci contient aussi du venin. On incisait la peau vers le centre et on tirait fortement de chaque côté. Il ne restait plus que la carcasse qui, après avoir été salée, était suspendue à un clou d’une poutre de la salle commune. Il l’a vu faire à sa mère et à Gineste de Villelongue. Quand on avait de la fièvre ou d’autres ennuis, on coupait deux ou trois centimètres de vipère, on les faisait bouillir et on buvait ce breuvage, qui, paraît-il, faisait transpirer abondamment. 

Selon Enric de la Lauza, le fiel de la vésicule biliaire de cochon mâle, était employé pour soigner les plaies infectées. Comme pour les serpents, il n’était pas rare d’en avoir suspendu aux clous des poutres. Lorsqu’on avait un piquant de buisson ou un corps étranger, il était rare qu’une seule application de fiel n’arrive pas à le faire sortir. En fait le fiel ramollissait les chairs et il était plus facile d’enlever les échardes.

QUELQUES RECETTES DE BIAIS

Comment faire un meuble qui a l’air ancien ? On prend des vieilles planches que l’on sable.

Comment se doter d’un frein supplémentaire ? En traînant derrière le vélo un fagot de branches !

Pourquoi un forgeron pouvait devenir arracheur de dent ? Lorsqu’on avait une dent à arracher, on allait chez le forgeron. On attachait solidement la dent à l’extérieur et forgeron qui s’est saisi d’un fer rouge fait mine de l’envoyer sur la joue du patient qui par un sain réflexe fait un vif mouvement qui engendre l’enlèvement de la dent.

Pourquoi achetait-on de la graine de lin dans les fermes ? pour faire des cataplasmes afin de soigner des affections pulmonaires.

Comment mieux conserver la saucisse dans un bocal ? Après avoir garni le bocal de saucisse, on allume un morceau de coton et on ferme vite. Par effet ventouse le tout est hermétique.

Comment dissuadait-on les voleurs de bois ? Un trou discret dans une bûche bois et un peu de poudre, le voleur n’y revenait pas.

Comment conservait-on les œufs pour la saison hivernale ? Aujourd’hui on achète des œufs, à n’importe quelle saison, produits par des poules ayant perdu les repères naturels anciens. Or, elles pondent naturellement au tout début du printemps, pour que les poussins puissent éclore en mai, grossir naturellement au cours de l’été avec tout ce que la nature offre, pour être prêts à affronter l’hiver.

Ainsi, il y a les œufs de Pâques. Et chez, la pascada (omelette de Pâques). Et pour pouvoir disposer des œufs toute l’année y compris dans les périodes creuses de la ponte, on mettait des œufs dans un cuvier d’eau saturé de chaux vive. Celle-ci bouchait les pores de l’œuf qui se conservait plus longtemps.

Pourquoi faut-il être méfiant avec le cresson que l’on trouve dans les mares ou les ruisseaux ? En effet, le cresson de fontaine peut être porteur de la douve du foie dans les parties où les ovins vont boire. C’est une maladie dangereuse pour l’homme.

Comment faire la vaisselle uniquement avec un produit de la nature ? Ma grand-mère, reine de l’ortie, l’utilisait pour faire la vaisselle. La partie urticante a les mêmes vertus que le citron de serviettes pour nettoyer les doigts.

Comment faire de l’huile dans les zones froides où ne pousse pas l’olivier ? Les fruits des faus (hêtres), les faînes, présentent un intérêt culinaire. On peut les manger comme les noisettes. On peu aussi avec un petit pressoir en extraire une huile comestible qui a un goût d’huile d’olive.

Que recherchent les sangliers quand ils retournent la terre dans une parcelle ? Ce sont los anucòls, des noix de terre (bulbes de Carum bulbocastrum). Ils se mangent après les avoir pelés comme des noisettes.

Quelle était la tisane miracle ? C’était celle de la brotonica (germandrée petit chêne, Teucrium chamaedrys). D’où le dicton : La brotonica, al medecin fa la nica ! La germandrée fait la nique au médecin. Était prise quand on avait des rhumatismes.

Avec quelle plante pouvait-on empoisonner une rivière ? C’était avec lo brisan (bouillon blanc Verbascum thapsus). Avec cette plante, les truites étaient incommodées et on pouvait les ramasser dans la rivière.

Quel est le plus simple petit déjeuner ?  C’était une aillade, c’est-à-dire de l’eau claire chauffée avec une gousse d’ail à laquelle on ajoutait de fines tranches de pain.

Comment conservait-on les canards confits ? Marcel Cauquil indique que sa mère tuait les bêtes et les découpait en laissant les morceaux un jour entier dans du gros sel. Ensuite, les morceaux étaient lavés et mis à égoutter dans un panier. Ensuite on les mettait à cuire dans un grand chaudron en cuivre en ajoutant un peu d’huile ou de graisse, car, après cuisson, le tout était mis dans une toupine et il fallait que le plus haut morceau ait encore de la graisse au-dessus.

Comment dormait-on de manière adaptée aux moyens de l’époque ? Dans les fermes, la salle commune pouvait être à la fois, cuisine, salle à manger et chambre. Et la chambre c’étaient deux lits à alcôve. Là on dormait non loin de la cheminée, pour être bien au chaud et aussi pour, le matin venu, raviver la flamme dans l’âtre. S’il y avait quatre enfants, ils dormaient tête-bêche. Ce qui surprend, c’est que le dessus des lits étaient surélevés, car l’air le plus froid circulait au ras du sol. La pièce au-dessous était l’étable et celle au-dessus était le grenier où il y avait une épaisse couche de céréales faisant isolant.

Les matelas étaient remplis de feuilles de maïs séchées. Cela faisait du bruit de froissement quand les enfants se couchaient. (cela se passait il y a seulement 100 ans)

Comment faisait-on le blanchiment la pièce de vie de l’époque ? Joseph Rols raconte ce qui se passait il y a encore cent ans : « La veille du jour choisi, de préférence au printemps, nous allions, avec mon frère, à Lafonblanque chez M. Rieu qui possédait un four à chaux et nous ramenions quelques kilos de ce produit que l’on délayait dans de l’eau.

Avant toutes choses, on déménageait les meubles d’une pièce dans l’autre et puis munis d’une touffe de houx au bout d’une longue ficelle, on effectuait le ramonage de la cheminée et la suie était conservée pour la culture de l’ail.

Venait ensuite le blanchiment. Maman, armée d’une brosse au bout d’un bâton, passait d’un bout à l’autre les murs de la pièce. C’était peu onéreux et hygiénique à la fois, la chaux étant un désinfectant. Le bas du mur, par contraste, était, avec un additif, peint en sombre, marron ou noir. Et signe de coquetterie, on traçait un trait de cette couleur au-dessus de la partie foncée et parallèle à celle-ci.

Maman n’oubliait pas de tracer extérieurement et près de la porte d’entrée, une grande croix à la chaux. Ce n’était pas comme on dit maintenant signe extérieur de richesse, mais plutôt une marque de propreté et de foi profonde dont étaient animés nos parents. »

Quelles étaient les tâches domestiques des hommes en hiver ?  S’il était, autrefois, de bon ton pour les femmes de savoir coudre et tricoter, au point d’en faire une qualité pour les jeunes femmes à marier, les hommes, quant à eux, devaient être adroits de leurs mains et, par exemple, savoir fabriquer des paniers, des corbeilles en osier et rempailler les chaises de la maison.

Ces activités séculaires exécutées bien souvent dans la pièce principale de l’habitation, à la fois cuisine et salle à manger, avaient pour effet de rompre avec l’ordre habituel des lieux transformés en atelier de vannerie et de rempaillage.

Pour les paniers et les corbeilles tout commençait par la coupe de jeunes repousses de châtaignier le plus souvent, bois réputé pour sa très bonne tenue. Ces tiges, refendues, formaient les costons qui, coudés sur les genoux du vannier formaient l’arescla, c’est-à-dire l’armature du panier ou de la corbeille fixée avec des petites pointes, les puntets.Tout autour étaient tressés les brins d’osiers ou des verdolas, lanières d’écorce de noisetier.

Le rempaillage des chaises était un autre travail de tressage réalisé pas nos anciens. Les cadres pouvaient avoir été fabriqués à la ferme, ils étaient alors très grossiers ou par un artisan menuisier ou un charron disposant d’un outillage plus spécifique ou bien achetés à des marchands ambulants qui parcouraient les campagnes, Lozériens ou Cantalous assez souvent.

Dans notre pays, la paille de marais ou carex, matière principale, appelée en langue d’Oc la bose (bòsa) était cueillie en fin d’été dans les prairies humides de Narulle, de Cambiès.

Où cacher les louis d’or ? Dans les maisons autrefois, on n’avait rien qui fermait à clé. Il n’y avait que des borols (verrous). Divers modes de cachette existaient :sous les pieds de la table. la grepia de las vacas (mangeoire des vaches), en haut d’un sapin, etc.

Comment enfouir les pommes de terre pour les cacher pendant la guerre ou pour mieux les conserver ? Pendant la guerre, il fallait éviter les réquisitions des récoltes. Aussi mon père enfouissait-il une bonne partie de celle des pommes de terre. Il creusait au fond du bois, au-dessus de Narulle, un trou de près de deux mètres de profondeur, deux mètres de longueur et d’un mètre de largeur, appelé clote. Les pommes de terre étaient enfouies dans le trou, une épaisseur de fougères au-dessus pour éviter les rats qui ont peur de se couper la langue en s’attaquant aux fibres de la fougère. Un peu de terre au-dessus et des feuilles. Et le tour était joué avec la terre évacuée pour ne pas laisser de trace.

Comment échapper aux gardes chargés de surveiller la pêche ? Autrefois, le garde ne pouvait verbaliser que s’il avait le braconnier sous la main. Une personne, A. de La Trivalle, savait y faire. Lorsque le garde la surprenait dans la rivière, elle l’invitait à lui tendre la main pour l’aider à sortir de l’eau. Mais d’un coup sec de rein, le garde se trouvait dans la rivière et le braconnier s’était extrait et évaporé dans la nature.

Comment dissimuler le fusil en partant à la chasse ? On démontait la crosse et les canons. On passait la bretelle derrière le cou, la crosse dans une poche d’un côté et les canons de l’autre.

Comment savoir pour qui vote l’électeur que l’on rencontre chez lui quand on est candidat ? Je l’ai expérimenté en 1985, quand je me suis présenté pour être conseiller général et que j’ai fait la tournée de toutes les maisons. Je les avais classées en trois catégories, celles qui voteraient pour moi, celles qui ne voteraient pas pour moi et celles dont je ne connaissais pas l’orientation. Aussi dans ces dernières, où on parlait de divers sujets, je glissais : « Est-ce qu’il y aura un second tour ? » Certains disaient : « Tu rigoles, tu es élu au premier tour ! » Cela voulait dire qu’ils devaient voter pour moi, même s’il fallait se méfier des petits malins. Sinon s’ils disaient : «Òc, i e tornarem, mais, ne t’en fais, tu seras élu ! », ça voulait dire qu’ils ne voteraient pas pour moi, tout en faisant preuve d’une chaleureuse courtoisie ; on ne sait jamais, ça pourrait servir.

Comment empêcher le renard de manger les poules ? Pour protéger la basse-cour du renard, nos anciens avaient coutume, à défaut de ne pas savoir le faire soi-même, de recourir à une personne sachant faire le « pari » c’est-à-dire une forme de pacte conclu avec l’animal, ses congénères ou sa descendance. Cette méthode, cette croyance, étrange, hors de toute rationalité, reste quelque peu secrète mais avait son efficacité ! Le pacte était que d’un côté, le renard    laissait les poules tranquilles<. Le fermier devait laisser tranquilles les renards.

Comment protéger la basse-cour des oiseaux de proie ? Le lendemain de Noël, on mettait des tisons de la buche dans de l’eau et on la faisait boire aux poules.

Comment les abeilles devaient partager le deuil familial ? Lorsque quelqu’un dans la famille décédait, il fallait mettre un morceau de crêpe noir sur chaque ruche faite dans un tronc d’arbre creux. Si on ne le faisait pas, les abeilles mouraient.

Comment préparer le meilleur plat : le lièvre au tournebroche ? On mettait le lièvre sur le tournebroche, le lèchefrite au-dessous. A côté, le flambadou et les bouts de tindélous découpés. On préparait le saupiquet avec des oignons, de l’ail, du jambon, du laurier, du thym, deux grains de genièvre, on faisait cuire deux heures. Puis on mixait, on faisait cuire le foie et le sang récupéré. On mixait et on mélangeait le tout.

Comment éliminer les vipères dans les fermes ? Les dindons avalaient d’un seul coup une vipère. La présence de dindons était une assurance contre la présence de vipères.

L’intervention du tétaïré après un accouchement : Si la maman avait des problèmes pour allaiter son bébé, on avait recours aux services du tetaire. C’était un homme miséreux, peut-être un peu simple d’esprit ? Il parcourait le pays où on lui signalait une naissance. Si le bébé avait des difficultés pour prendre le sein, lui par des succions plus prononcées lui facilitait la tâche. Il n’était pas rare non plus qu’on aille le chercher si la mère avait un abcès au sein. Celui-ci s’engorgeait et malgré le tire-lait, quelques fois il était impossible de la soulager. Devant la gravité de son état, on faisait appel au tetaire. Peut-être pourra-t-il la sortir d’affaire. Les premiers temps, rien n’y fait, mais au bout de quelques jours l’abcès se perce, le pus s’écoule et l’homme vide le sein pourri ! (Cf. Le tétaïré du Sommail de Valérie Cabrol)

Le beau costume de toute une vie Il y avait pour beaucoup d’hommes la tenue de fête que l’on faisait confectionner entre 20 et 30 ans et qui devait servir tout le restant de la vie. C’était le costume de noces. On achetait un coupon de chevillotte noire et le tailleur de la ville leur confectionnait un ample complet trois pièces qu’ils mettaient pour leur mariage et qu’ils remettaient pour la fête de Pâques et pour les grands évènements de la vie. On le passait quelquefois sur le lit de mort.

La hache polie qui protège de la foudre Les paysans trouvant une hache polie du néolithique dans un champ croyaient qu’elle était produite par la foudre. Aussi les mettaient-ils au-dessus des portes des maisons ou des étables comme talisman protecteur de la foudre. (Alain Robert)

La chaleur des veillées On se rendait visite entre voisins pour la veillée. On jouait aux cartes ou à un jeu comme passa-cotelon. On se mettait en rond devant le feu les mains serrées et un des veilleurs dissimulait un couteau. Une personne sortie devait deviner où il était et désignait quelqu’un : « As lo cotelon, morron ? »

Si la personne désignée ne l’avait pas, elle disait : « Non morron, lèva te e cèrca lo ! »

Si la personne désignée l’avait, elle disait « Òc, morron, lèva te e passa lo ! » Et lui passait le cotelon.

Il y avait un autre jeu, le cobertor (couvercle). On prenait un couvercle, on le faisait tourner, tel une toupie et une personne désignée devait le rattraper avant qu’il ne tombe, sous peine de pénalité.

On terminait avec un vin chaud, avant de réattaquer le froid lors du retour à la maison pour les invités. (Évelyyne Rascol)

La lutte contre le froid aux pieds : chauffer les sabots avec des braises Lorsque arrive l’hiver et que tombe la neige il vaut mieux prévenir que guérir… les engelures. Pour cela il faut mettre des braises dans les sabots. Attendre que ça chauffe. Mais pas trop longtemps tout de même. (Emile Farenc)

La lune comme indicateur S’il y a quelque chose qui s’est complètement perdu dans la civilisation citadine, c’est de regarder la lune.

Les bois (sauf les hêtres) devaient être coupés plutôt à la lune vieille, à sève descendante. En revanche, les résineux sont à couper, à la lune nouvelle, et en hiver, pour éviter de traiter la charpente.

C’est aussi à la lune vieille de mars ou d’avril qu’il fallait faire la greffe des arbres, par fente, sinon les fruits tardaient à venir. De même pour semer les laitues et les chicorées. Idem pour l’avoine, combinaison de beau temps et de lune vieille pour que le mûrissement soit plus régulier.

Le traitement approprié de ceux qui nous traitaient de haut Un jour, j’étais dans une ferme avec une très proche, quand débarquent un couple de citadins bien habillés et parlant pointu. « Bonjour, dites-donc, ma brave dame, vous n’auriez pas un jambon de ferme à vendre ? » « Ah non, je n’ai pas ça !» Les visiteurs se font insistants et la fermière finit par lâcher : « J’en ai peut-être un, mais il faudrait que j’en parle à mon mari. » Les visiteurs sentent qu’ils sont sur le chemin de la victoire et après de longues palabres, l’affaire est conclue. Quand les acheteurs ont tourné les talons, la fermière part d’un grand éclat de rire : « Ce jambon ne valait plus rien ! » Et un fou rire nous a pris pendant de longues minutes. J’imagine qu’en face, on a dû raconter : « Nous avons acheté un AUTHENTIQUE jambon de ferme. La paysanne était retorse, mais ma femme a été la plus maligne… »

L’écobuage (cremar lo tèrme) Pour maintenir les landes en état de pâturage, on commençait par allumer et éteindre une bande tout autour de la zone pour faire un coupe-feu. Ensuite on allumait un feu avec des choses qui brûlent bien comme une balle de paille et on s’y prenait à contre vent. On avait un bual fait avec des genêts pour éteindre le feu.

Les fleurs de lys blanc pour les soins On mettait à macérer dans une bouteille remplie d’huile végétale ou d’alcool des pétales de fleurs de lys blanc (très important qu’il soit blanc – lys d’église très odorant), pour soigner les plaies . Les pétales devenaient translucides. On gardait cette bouteille précieusement. Un été, ma grand-mère m’a soigné un panaris au pouce droit. Elle posait délicatement 2 ou 3 pétales sur mon pouce et l’enveloppait avec un chiffon (morceau de drap) en forme de « poupée » disait-elle. J’ai guéri, l’ongle est tombé mais a mal repoussé. Autrefois on ne pensait pas aux microbes. On se soignait, c’est tout. (Arlette Homs)

Le roudou Pour pouvoir charger les charrettes de foin ou de gerbes dans des pentes, nos anciens n’avaient rien trouvé de mieux que de mettre une roue plus petite vers le haut. Ils partaient aux champs avec la petite roue sur la charrette et arrivés sur place ils enlevaient la grande et mettaient la petite.Le chargement terminé, il n’y avait qu’à faire l’opération inverse pour rentrer à la ferme. (Emile Farenc)

Le biais pour traverser la rivière et ne pas taourer (verser) Traverser une rivière avec une charrette de foin n’était pas évident à réaliser, comme on le voit ici à Narulle sur des photos datant d’il y a cent ans.

Pour les grandes occasions la transgression avec la connivence des gendarmes Un ami m’a confié qu’il avait besoin d’aller braconner la rivière pour marquer le baptême de son fils. Il a vu le gendarme S. et ils ont convenu que tel jour et tel jour, les gendarmes seraient ailleurs !

En 1982, Michel Crépeau, ministre de l’environnement est venu faire une visite au Parc Régional du Haut-Languedoc et il s’agissait d’organiser un grand banquet républicain. On marquait l’importance d’un évènement aux transgressions opérées. Là on a fait fort : pour la viande des mouflons braconnés et comme poisson, 160 truites braconnées de nuit avec un professionnel !

Les blagues pendant le repas À table, il convenait de plier discrètement le bord de la toile cirée qui, autrefois, servait souvent de nappe pour former une gouttière dans laquelle on versait de l’eau afin, qu’à l’extrémité, elle s’écoule entre les jambes d’un convive. Soit celui-ci se levait tout de suite et tout le monde rigolait. Soit il ne disait rien mais ne voulait pas quitter la table tant qu’il y avait du monde de peur qu’on lui fasse remarquer qu’il s’était oublié ! L’astuce était de ne pas verser trop d’eau pour que le voisin de table ne s’aperçoive de rien. Cela était possible sur les pantalons épais d’autrefois. Il fallait, alors, trouver le moyen de lui faire quitter sa place ! (Henry Mas)

Les charivaris Le mot charivari vient du « latin de cuisine » caribaria, lui-même venant d’un mot grec, qui signifiait « lourdeur de tête ». C’est une manifestation qui se tenait à l’occasion d’un mariage jugé mal assorti comme celui d’un homme âgé avec une jeune femme ou d’un remariage d’un veuf ou d’une veuve. Il arrivait même que les nouveaux époux ne se marient pas localement mais aillent se marier religieusement à Lourdes pour échapper à cette coutume.

La chasse au tamarou  Dans nos campagnes, cet animal mystérieux et emblématique est l’objet d’une de nos traditions les plus clandestines. C’est une farce à faire aux crédules visiteurs en leur expliquant que c’est une chasse importante dans la région. Quand il fait très froid on conduit le visiteur par nuit noire dans la nature, en lui indiquant que dans un passage de haie, le tamarou va passer, qu’il doit se poster là et tenir le sac bien ouvert pour capturer cet animal et surtout bien refermer le sac. Les initiés disent qu’ils vont pousser la bête à passer par là. Ils laissent là le visiteur et s’éclipsent en rentrant au chaud !

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