LA RÉFORME ET L’ANCIEN RÉGIME
La Réforme a été importante. Pour résumer : 1 la plupart des seigneurs sont devenus protestants, à l’exception de celui de Nages, qui l’a payé cher. Les troupes de Montgomery sont montées de Castres faire le siège. Malgré la promesse faite que si la garnison se rendait, elle aurait la vie sauve, elle fut passée au fil de l’épée dans un lieu appelé Les Martinoles à la sortie de Nages quand va vers le lac. Cet endroit n’avait pas l’apparence actuelles en forme de carrière, qui a été creusée afin d’extraire la pierre pour faire la route au cours du XIXe siècle. Au début du XVIIe siècle, Lacaune était devenu 100% protestant, les catholiques y étant bannis. Le protestantisme s’est développé vers l’ouest, dans la vallée du Gijou. En première approximation, les anciens cantons de Murat, de La Salvetat et de Saint-Gevais sont restés ou devenus totalement catholiques. Anglès a été très marqué par le protestantisme et en particulier les fermes principales sont encore la propriété de grandes familles protestantes, souvent mazamétaines. La vallée du Gijou a été une terre d’assemblées du désert, occasionnant des arrestations, des amendes, des condamnations à mort, … Auparavant, les châteaux de Viane et Senaux ont été le théâtre d’une guerre entre les troupes protestantes de Rohan et celles catholiques de Condé. La région a vu fuir des familles vers l’Allemagne, l’Angleterre, … Certaines ont établi des banques en Suisse, qui sont venues en aide aux négociants protestants (Cabannes et Rabaud) dans leurs entreprises. Avec l’abrogation de l’édit de Nantes en 1685 par Louis XIV, les temples furent fermés et une persécution entamée. Les protestants devaient passer par l’église pour les baptêmes et les mariages, mais ayant conservé les positions dominantes au plan social (seigneurs et les plus riches), ils ont continué à conserver leur position sociale dominante et leur religion, surtout à partir du règne de LouisXV. Après 1750, ils ne font même plus semblant de passer par l’église et Louis XVI leur donne le droit d’avoir un état-civil, ce qui ne faisait qu’officialiser chez nous un état de fait. On découvre que sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, des protestants lacaunais étaient les rois du négoce maritime mondial :À Cadix, port espagnol, qui avait le monopole du commerce avec l’Amérique latine espagnole, une des principales maisons de commerce était celle des Cabanes, protestants lacaunais. Ils se trouvaient de fait les plus riches. Avant la Révolution, ils avaient à Lacaune une belle résidence hors du vieux Lacaune devenue plus tard le pavillon du frêne de l’hôtel Fusiès. Un Cabanes résidait à Paris et avait fait entrer son neveu dans la garde noble de Louis XVI.A Bordeaux, les deux premiers armateurs étaient les Nayrac (protestants de Gijounet) et les Bonnafé (protestants de Lacaune). Les premiers faisaient le commerce triangulaire avec l’Afrique et les Antilles. Les seconds ne passaient pas par l’Afrique, car les esclaves se révoltaient et c’était plus tranquille de faire directement la liaison Bordeaux-Port-au-Prince. David Cambon a été un capitaine des navires des Bonnafé. Revenu très riche à Lacaune, il épouse en 1783 une jeunette, Henriette Calmels de Basse-Vergne, pour laquelle il fait construire la belle demeure de Basse-Vergne. Il acquiert aussi la ferme mythique de Cambiès. Son fils Antoine Cambon sera un maire apprécié de Lacaune et une rue porte son nom. Un petit-fils de David Cambon, Jules Cambon a été conseiller général de Lacaune jusqu’en 1909.Un Nayrac a été député aux États généraux de 1789 et tout négrier et franc-maçon qu’il était, il était élu du Tiers État sous les couleurs de la Liberté !À Marseille, la Compagnie des Indes appartient à Rabaud (protestant de Gijounet). Moins heureux que les autres, il a été guillotiné sous la Terreur, sa richesse suscitant des jalousies.À Mogador au Maroc (Essaouira), Constant (autre protestant lacaunais, entretenait un comptoir commercial qui avait une activité annexe lucrative : il rachetait au Sultan les Français retenus comme esclaves, les retapait et négociait avec la famille la suite…À signaler aussi deux familles ayant joué un grand rôle dans l’Armée, les Goudon de Saint-Sever, seigneurs de Senaux et surtout les Barrau de Muratel (parfois aussi appelés de Campouriés), dont un des membres, David Maurice a commandé un régiment de cavalerie à la célèbre bataille de Valmy. Toutes ces familles protestantes très riches avaient racheté toutes les fermes du plateau. Mais la Révolution fut une catastrophe pour eux. Après l’exécution de Louis XVI, l’Angleterre déclara la guerre à la France et étant maître des mers, elle interdit tout négoce maritime aux Français, d’où les ruines en cascade de ces familles où les traites ne pouvaient plus être honorées. Et de ce fait, au cours de la fin du XIXe siècle, les familles protestantes huppées disparaissent totalement du paysage local et elles vendent leurs propriétés devenues non rentables du fait de la concurrence viticole chez la main d’œuvre agricole. Aujourd’hui, on pourrait faire du cimetière protestant de Lacaune un lieu de mémoire des sépultures protestantes et de ces grandes familles qui ont des descendants célèbres comme M. Antoine de Saint-Affrique, patron de Danone. Voir Rémi Chabbert et à étudier avec l’Église protestante de la Montagne du Tarn et la commune de Lacaune |

Armoiries des de Passieu, seigneurs protestants de Rieuviel

LAPESTE DE 1720
Sur cette peste, on trouve des récits : notamment de Jules Lasaires et de Michel Maldinier.Elle était aussi appelée Peste de Marseille, car elle s’est répandue à partir d’un navire provenant du Proche-Orient et qui était contaminé. Cette peste a été confinée en Provence et en Languedoc. Elle a fait de nombreux morts, mais les dégâts n’ont rien eu à voir avec ce qui s’était passé vers 1350, au Moyen Age. Comme la propagation se faisait par le Languedoc, le Rouergue a surveillé étroitement la frontière avec nous. Le marquis de Bonas, gouverneur du Rouergue, maréchal de camp, exigea que 28 soldats du Régiment de Navarre arrivent à Murasson et gardent la frontière d’avec la Languedoc, le long de la route de Haute-Guyenne, depuis La Barraque de Muratel jusqu’à La Roubertarié. Ce ne fut pas sans mal qu’on installa plusieurs barraques sur la frontière aux frais de la municipalité de Murasson. Les ordres donnés aux soldats étaient très stricts : « S’ils trouvent des voituriers (des transporteurs à dos d’équidés), ils les chasseront dans leur pays. Ils tueront sur le champ les chevaux, mulets, bourriques de quelque prix qu’ils puissent être ; ils feront brûler sur le champ les marchandises. S’ils trouvent des troupeaux, ils tueront sur le champ les bestiaux et ils les feront enterrer à six pieds de terre. Ils auront soin de faire fermer toutes les granges, de manière qu’il n’y ait que le propriétaire qui puisse y entrer ; les avertissant que leurs maisons seront brûlées dans deux jours, si cela n’est pas fait. Ils feront retirer les bergers des cabanes, sinon ils feront brûler. Ils veilleront à ce qu’aucun paysan n’aille en Languedoc et que ceux du Rouergue ne viennent chez eux sous peine de voir leurs maisons rasées. Les consuls feront, tous les soirs, l’appel des paysans pour être instruits de ceux qui vont et de ceux qui viennent, et s’ils apprennent que quelqu’un soit entré en Languedoc, ils en avertiront les commandeurs des postes. Il est défendu aux soldats, sous peine de mort, de rien toucher aux marchandises qu’ils auront confisquées ; il leur est même défendu, sous la même peine, d’aller chercher en Languedoc l’eau dont ils auraient besoin pour s’abreuver. » |
LA RÉVOLUTION
Bien accueillie au début, avec le curé de Lacaune rapidement élu maire, les choses se sont vite dégradées pour trois raisons : 1 nos ancêtres ne voulaient pas partir faire la guerre et il y a eu rapidement dissidence 2 la Constitution civile du clergé a entraîné le refus de 100% du clergé local de se soumettre. Dès lors, l’abbé Puech vicaire de Murat, arrêté dans l’Aveyron est exécuté à Rodez. La moitié des prêtres partit en exil en Espagne et l’autre moitié se cacha, protégé par la population et parfois par des protestants 3 la monnaie émise ne valait rien et on en voit la preuve dans le dossier de Joseph Terral, un Lacaunais député à la Convention. Il doit une pension alimentaire à sa mère qui refuse d’être rémunérée avec la monnaie qu’il perçoit comme député ! Cette dissidence, favorisée par l’isolement du fait des difficultés de liaison d’alors, était telle qu’on appelait notre secteur la petite Vendée. À une différence de taille, ici on n’y a pas pris les armes contre les autorités révolutionnaires. Mais les autorités départementales qui siégeaient alors à Castres se sont énervées et ont décidé d’envoyer à Lacaune le tribunal et la guillotine. Une fois arrivé à Lacaune, les autorités locales se sont évaporées et il n’y a qu’un seul détenu en prison avec aucun dossier sur lui. Le tribunal bricole un procès et fait exécuter séance tenante le pauvre Fouillaraque, un homme du peuple. La monographie sur Joseph Terral, député à la Convention montre bien comment a été vécue localement cette période révolutionnaire. À signaler aussi le passage à Montalet du savant Méchain pour mesurer la longueur du méridien terrestre. C’était un astronome qui mesurait les angles entre divers points culminants (si dans un triangle, on connaît la longueur d’un côté, avec la mesure des angles, on peut calculer la longueur des autres côtés). Méchain a posé un repère à Montalet, mais quand il s’est rendu au-dessus de Montredon-Labessonié, le repère avait été enlevé par nos montagnards antirévolutionnaires. Il revint en poser un autre qui fut enlevé à son tour. Cela ne l’a pas fait rire et il a dû demander que l’armée garde le nouveau repère posé. Parti de Barcelone Méchain mit un temps fou pour arriver à Rodez. De son côté Delambre mesurait la distance de Dunkerque à Rodez. |



C’est David Zérouali enfant qui est représenté ci-dessus pour une campagne de communication de la salaison lacaunaise, il y a une vingtaine d’années.
BONAPARTE ET L’EMPIRE
Napoléon Bonaparte résout deux des trois problèmes rencontrés avec la Révolution : avec le franc germinal, il rétablit la confiance dans la monnaie pour un siècle et avec le Concordat signé avec le pape, il rétablit la paix religieuse. En revanche, pour la paix et la démobilisation, il faudra attendre la chute de l’Empereur.
En étudiant les délibérations du conseil municipal de Nages, on voit que la période 1800-1810 est une période de remise en état des choses, la Révolution ayant généré une vaste pagaille :
- L’école communale qui existait avant la Révolution est rouverte
- L’église qui menaçait ruine est restaurée et le curé n’a plus besoin de dire la messe dans la nature. Suite au Concordat, il est remis officiellement en charge de la paroisse
- Les chemins sont rouverts, les propriétaires en limite s’étaient partagés le chemin !
- Les communaux sont à nouveau respectés
- Un groupe de dissidents politiques s’était transformé en bande de voyous qui rançonnaient. Ils sont neutralisés, comme on dit aujourd’hui.
Mais après 1810, le conseil municipal doit affronter des épreuves :
- Il doit trouver un remplaçant aux déserteurs. Cet exercice n’était pas sans risques et un maire de Senaux s’est fait assassiner.
- Au fur et à mesure que le temps passe, le maire reçoit de plus en plus des ordres de réquisition de livrer pour la semaine suivante, du foin, de l’avoine ou du maïs au sous-préfet de Castres pour alimenter l’armée de Soult en Espagne.
Ainsi on comprend que le pays en avait ras-le-bol de Napoléon et tous les conseils municipaux accueillent favorablement le retour de Louis XVIII, ce qui doit être vu comme un rejet d’un régime honni, plus que comme un mouvement royaliste.
Après Waterloo, le maréchal Soult de retour vers Saint-Amans s’arrête à Barre pour faire étape dans l’auberge Tabariès. Les Barrols se concertent et décident de faire la peau de Soult. Fort heureusement pour lui, l’aubergiste décide de le protéger. Il barricade les lieux et conduit, par un ami sûr de Tabariès, Soult qui s’échappe par le toit et est conduit à Lacaune, où il était en sécurité auprès de hauts gradés.
Pour terminer sur cette période, signalons qu’en 1857, après l’arrivée au pouvoir de Napoléon III, celui-ci a décidé d’attribuer une décoration (la médaille de Sainte-Hélène) à tous les soldats de Napoléon survivants. Un site internet donne la liste des bénéficiaires par commune. On est impressionné par leur nombre.

LA RESTAURATION
Quatre points à signaler :
1 le doublement de la population entre 1750 et 1850 n’est pas sans conséquence :
- Faute de ressources nouvelles, la pauvreté explose. Les hommes exploitent de plus les terres hautes et s’approprient des communaux et y construisent des maisons, comme celle de Payrac. Les gardes forestiers ont du mal à se faire respecter et certains se font assassiner.
À Gigounet, hausse de la population jusqu’en 1846, occasionnant une grave crise de subsistance en 1847 (année la plus meurtrière à Gijounet et dans beaucoup de communes), occasionnant l’exode rural dès l’année suivante. En 1851, la population a déjà diminué.
- Les grandes fermes ont une main d’œuvre bon marché qui est heureuse de trouver un gîte (l’écurie en hiver et la grange en été). Avec les produits de la nature et le braconnage, on peut la nourrir. Ces fermes en profitent pour étendre leur propriété sur les vacants communaux voisins.
Dans cette période l’activité agricole est l’élevage des brebis. Il n‘y avait pas encore de production de lait pour Roquefort. Les revenus étaient tirés de la viande et de la laine. On a alors travaillé à améliorer la qualité de la laine produite en faisant des croisements avec la race Mérinos. Les Vergnes de Lugan (de Barre) jouaient un rôle promoteur en la matière.
- dans les grandes fermes, on élevait des brebis, en revanche, dans les villages, comme Boissezon, les artisans ou petits propriétaires avaient plutôt un petit troupeau de chèvres, pour avoir du lait pour la consommation familiale. Il faut dire que la présence de vastes espaces pentues couverts de broussailles pouvaient convenir pour l’élevage des chèvres.
- Pour les besoins spirituels de cette population accrue, des nouveaux lieux de culte ont été créés : églises à Gos, à Moulin-Mage, à Tastavy, à Condomines, aux Vidals, au Fraïsse, à Bonneval, à Cambon, à Salvergues ; temples à Gijounet et Espérausses.
2 le développement des routes
Depuis des temps immémoriaux, les transports de marchandises à longue distance par voie terrestre se faisaient uniquement à dos de mulet, chaque animal portant au maximum 50 kg. Les parcours allaient droit en évitant les vallées et ne se souciaient pas des montées rapides.
Sous le règne de Louis XV, avait été lancée une politique de création de routes où circuleraient des charrettes transportant de plus lourdes charges. Ces routes devaient avoir un profil en long avec un minimum de parties pentues. D’où la nécessité de suivre les vallées et donc de faire des ponts. D’où la création de l’école des ponts en 1747 et ultérieurement du service des ponts (et chaussées).
Ainsi Mgr de Barral, évêque de Castres (1752-1773), était aussi à la tête du diocèse civil, qui avait la compétence des routes et c’est ainsi qu’il a fait établir le plan de la route de Castres jusqu’après Saint-Gervais (l’actuelle RD 622). Une partie de cette route a été réalisée alors, au départ de Castres et avant Saint-Gervais.
Sous l’Empire, l’armée absorbait les recettes publiques. Aussi c’est sous la Restauration qu’a été réalisée enfin la finition du parcours (en 1830). Ont aussi été commencées les routes de Moulin-Mage vers Barre et de Nages vers La Salvetat.
3 Enfin, il faut signaler le début de l’exploitation de charbon sur la commune de Castanet-le-Haut en 1836. C’étaient les mines les plus à l’ouest du bassin de Graissessac. Max Alliès, maire de Castanet-le-Haut est d‘ailleurs un petit-fils de mineur.
Il y avait une petite mine de fer à Faydel (Viane) dont le minerai était porté à dos de mulet à Monségou (Lamontélarié), où il y avait une forge catalane, qui sera emportée par la crue de 1875.
4 Epidémie de choléra de 1835 décrite par plusieurs rapports médicaux, dont celui du docteur Moziman.


UN LIEU DE MÉMOIRE : LE CHÂTEAU DE GRANDSAGNES
Ce château est un lieu de mémoire sur la commune du Soulié.
Une curiosité une grande glacière créée au XVIIIe siècle.
Il est en cours de restauration, il va servir de gîtes.