LE SECOND EMPIRE

Sous l’impulsion de Napoléon III, il y a une grande modernisation de la France.
1 avec le développement spectaculaire de la desserte ferroviaire de notre pays, l’économie en est complètement bouleversée. C’est ainsi que l’on peut exporter le vin à Paris et le bas pays de l’Hérault qui était la plaine à blé depuis les Romains (la Narbonnaise) devient une plaine viticole. On voit des photos de grands fûts sur rails ou des amoncellements de barriques sur wagons.
La conséquence est l’appel de main d’œuvre dans notre montagne. J’ai calculé qu’en dix ans, la commune de Nages avait perdu 300 habitants. L’émigration s’est faite en deux temps : d’abord les hommes partaient faire la moitié de l’année des travaux saisonniers, laissant femme et enfants gérer quelques lopins de terre ; ensuite toute la famille descendait au pays bas, où elle n’était guère considérée sous le terme péjoratif de gavatch. Le journaliste de l’Humainté, Pierre Calmette, raconte une scène caractéristique : dans un village héraultais, le glas sonne. Quelqu’un dit « Cal es qu’es mort ? » « Oc ! es pas degus, es un gavatch ». « Qui est mort ?  Ce n’est personne, c’est un gavatch ! »
Conséquence chez nous. C’est la fin de la main d’œuvre excédentaire peu chère. Les propriétaires des fermes qu’ils n’exploitaient pas eux-mêmes voient la rentabilité s’effondrer. Pour la plupart, ils vont devoir bientôt vendre.

2 autre conséquence du développement des transports : le développement du Roquefort qui bénéficie à la fois du transport ferroviaire pour l’écoulement des fromages et du développement des routes qui permet le transport des formes à affiner à Roquefort.
C’est de Calmels, à côté de Lacaune, que Paulin de Naurois va se rendre à l’Exposition universelle de 1855 et y acheter un bélier anglais de race Southdown pour faire des croisements avec le double objectif : amélioration laitière et amélioration de la viande. Ainsi il assure le lancement de ce qui sera la race de brebis Lacaune, qui est aujourd’hui une composante de l’AOC Roquefort. Les brebis de race Lacaune sont les plus nombreuses en France aujourd’hui.

3 À la fin du Second Empire, la municipalité de Lacaune, dirigée par Paulin de Naurois concède l’exploitation des ardoisières à la Société du Moulinas. C’est le début d’une exploitation plus rationnelle du gisement et, après la création des routes, des charrettes tirées par des chevaux pouvaient approvisionner les marchés de la région.

Paulin de Naurois et son fils Ludovic
Bélier Southdown acheté par Paulin de Naurois après la foire universelle de 1855
Source minérale de Rieumajou (La Salvetat). Cette eau  a été classée eau minérale naturelle par l’Académie de médecine en 1848. Elle est alors commercialisée sous le nom de Rieumajou jusqu’en 1930.
En 1992; le groupe Danone la relance sous le nom de La Salvetat, après déminéralisation, sous forme d’eau en bouteille.
Ardoisières de  Lacaune

LA TROISIÈME RÉPUBLIQUE

Cette période voit d’abord un prolongement des évolutions de la période précédente : en particulier avec l’attractivité du pays bas, notre montagne continue à se vider. Les petites exploitations qui avaient vu le jour sur des hauteurs sont abandonnées. Pour les grandes fermes, un mouvement commencé en 1971 avec la vente de Narulle se terminera au début du XXe siècle par la cession des fermes les plus importantes comme Cambiès ou Rieuviel.
Sur une initiative de Ludovic de Naurois, une station thermale est ouverte à Lacaune, donnant une impulsion au développement du tourisme.

Conséquence de la difficulté d’avoir des domestiques dans les fermes, il va y avoir peu après 1900, une mécanisation avec des outils à traction animale. Au XIXe siècle, c’était assez simple. Pour faucher, la faux et ensuite le traitement avec la fourche et le râteau et enlèvement du foin avec des charrettes. Pour les cultures, travail de la terre avec le bigos et l’araire et la moisson avec la faux ou le volam. Ensuite battage au fléau puis avec des batteuses à manège.
Ainsi, au début du XXe siècle, on voit apparaître faucheuses, râteaux-faneurs, moissonneuses-lieuses, batteuses entraînées d’abord avec des locomobiles puis avec des tracteurs.
La Troisième République voit l’ouverture de nombreuses écoles, dont dans les bourgs importants d’école des filles.

Dans les premières années 1900, est créée une ligne de chemin de fer Castres-Murat-sur-Vèbre. Elle ne fonctionnera qu’un demi-siècle, mais laissera dans notre mémoire, le souvenir romantique du petit train. En fait celui-ci n’a été qu’un autobus sur rail pour le transport des voyageurs et n’a pas servi, comme les chemins de fer créés au siècle précédent, au transport de pondéreux, comme le charbon. Dès que l’on a pu le remplacer par un autobus sur pneus, le département a mis un terme à un système trop coûteux, pour l’objectif considéré.

Au début du XXsiècle, l’arrivée du camion sera le point-clé du départ du développement de la charcuterie. Avec un véhicule tiré par un cheval, il fallait deux jours pour aller à Béziers. Avec un camion et en se levant tôt, on pouvait aller faire un marché au pays bas. Beaucoup de personnes se lancèrent dans cette activité qui était saisonnière, en l’absence d’installations frigorifiques. On tuait des cochons les lundis, mardis avec l’appoint de main d’œuvre paysanne inoccupée en cette période où les travaux des champs sont à l’arrêt. Le reste de la semaine, le charcutier faisait les marchés ou le tour des clients bouchers ou épiciers. Le même camion servait aussi à aller chercher de plus en plus loin des cochons à certaines foires célèbres.

La guerre de 1914 a été entamée dans la confiance. On était au début du mois d’août et on rapporte que des soldats auraient déclaré : « Les récoltes ne sont pas rentrées, mais pas de problème, nous serons revenus dans 15 jours ! » 
Et ce fut une longue aventure qui se terminera par le tragique suicide de toute l’Europe dont elle ne se relèvera plus jamais, avec les Américains grands vainqueurs promoteurs d’un traité de Versailles qui engendrera la deuxième guerre mondiale qui consacrera dans le déshonneur la déroute de notre continent.
De nombreuses publications du CRPR nous permettent de découvrir la bravoure de nos grands-pères au front. Les hommes qui sont revenus de la Grande Guerre n’ont cessé d’en parler dans les repas où ils se retrouvaient, ce que n’ont pas fait les soldats de la Seconde guerre et encore moins leurs petits-fils, à propos de la guerre d’Algérie.

À gauche fabricant de joug et à droite charpentiers en action
transport de formes à Roquefort
Établissement thermal de Lacaune
Vierge du Montalet sur le modèle de la Vierge de la rue de Bac à Paris. Elle mise en place en 1882. Longtemps lieu de pèlerinage le lundi de Penteccôte
Le tuer du cochon à Nages chez Félix Barthés. Le troisième personnage en partant de la droite est ma rand-mère Philippine Guibbert-Gos.
La Gare de Murat-sur-Vèbre

LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Contrairement à la précédente guerre, celle-ci s’est déroulée en partie sur notre territoire des Monts de Lacaune.
1 La Résistance a eu divers points d’implantation : Martinou, Le Cabanial, Salvaget, dont on a publié des récits avec les combats à Martinou et au pont de La Mouline, ou encore les combats du maquis de Vabre.

  • maquis de la Roque. Parachutages en juin 1944 sur le terrain « Virgule » (Viane). Assaut du 8 juin par les Allemands : 7 tués dont le lieutenant Bloch (Polytechnicien), enterré au cimetière de Viane. Dépôt de gerbes sur sa tombe tous les 8 mai par la municipalité de Viane. 

Dégât collatéral des combats de Martinou, deux personnes de Sagnens, les frères Bonnafous ont été embarqués par l’armée allemande montée de Castres. Emmenés en déportation, ils périront après d’atroces souffrances, comme l’a découvert leur cousin, André Cabrol.

2 Un évènement particulièrement marquant a été l’assignation à résidence à Lacaune de plus de 600 Juifs étrangers en 1942. Une première rafle menée par la police de Vichy a envoyé des personnes en déportation dont elles ne reviendront pas. Les Lacaunais ulcérés par la façon dont les familles ont été séparés, ont été encore plus solidarité avec la communauté juive. Une deuxième rafle a permis d’arrêter d’autres personnes. Une troisième rafle n’a permis d’arrêter personne. 

  • 119 personnes ont été déportées et tuées. Lacaune n’oublie pas cette période de son Histoire, bien au contraire. Elle peut compter sur l’aide des descendants « des juifs de Lacaune », qui entretiennent la mémoire de leur famille. Jacques Fijalkow est l’un des plus actifs, il est président de l’association des Amitiés Judéo-Lacaunaises. 

De nombreuses publications racontent les drames vécus. Divers colloques ont été tenus à l’initiative de Jacques Fijalkow, qui était jeune Juif pendant la guerre et a été ensuite professeur à l’Université de Toulouse.

  • De nombreux jeunes du pays ainsi que certains du Bas-Languedoc se cachèrent dans les métairies des Monts de Lacaune. De nombreuses familles, originaires de la région, viennent se réfugier pour échapper aux privations et aux bombardements subis dans les villes.
Stèle au pont de La Mouline en mémoire des soldats tombés dans l’accrochage avec la colonne allemande qui se repliait

LA QUATRIÈME RÉPUBLIQUE

Les quinze années qui suivent la Libération voient le prolongement des tendances observées précédemment. La vie agricole s’y déroule avec les mêmes rythmes et les mêmes outils. Tout se passe en utilisant spontanément la langue d’oc, langue de nos pères. 
Les charcuteries se développent toujours comme activité saisonnière. Il n’y a pas d’abattoir, les charcutiers tuent les cochons chez eux et vont laver les tripes à la rivière. Les charcutiers de la vallée de la Vèbre, mieux desservis pour cela vont mieux se développer que ceux de Lacaune.
Entre 1954 et 1957 a été créé le barrage de La Raviège. C’était la grande époque de construction de centrales hydrauliques en France. La retenue créée a une surface de 440 hectares. De nombreux équipements d’hébergement et de loisirs ont été créés dans la foulée.

Les petits commerces locaux sont encore prospères. Les artisans continuent à vivre de leurs métiers. Les cafés sont les lieux où se retrouve la jeunesse locale le dimanche. Les fêtes votives de village sont des lieux privilégiés de rencontre.
La vie de famille est intense et s’opère toutes générations confondues. Le braconnage est une activité centrale avec la possibilité de transgressions pour marquer les évènements exceptionnels, comme l’empoisonnement de la rivière de La Trivalle à Narulle pour faire un repas collectif afin de marquer la Libération du territoire.

Lac de La  Raviège

LA CINQUIÈME RÉPUBLIQUE

L’arrivée du général de Gaulle représente un tournant capital avec un pouvoir présidentiel fort qui règle la question algérienne et met fin à la colonisation en Afrique.
L’agriculture est bouleversée. Finies les petites exploitations dans les villages où tous les artisans et commerçants avaient un petit élevage. Ne restent progressivement que les grandes fermes autour de deux spécialisations : les bovins viande et les ovins lait pour Roquefort. En accord avec la FNSEA, de Gaulle met en place une modernisation des structures : CUMA, GEAC, SAFER, etc.
Dans la charcuterie, le grand changement est l’arrivée d’installations frigorifiques qui permettent de passer d’une activité saisonnière à un activité annuelle. Il n’y a pas de main d’œuvre locale disponible. C’est alors que l’on voit arriver une importante communauté portugaise. 
En 1968, le démarrage de l’abattoir permet aux Lacaunais de rattraper et dépasser les salaisonniers de la vallée de la Vèbre. Dans une période plus récente, on a vu se développer l’activité de découpe, ce qui fait que beaucoup de charcutiers ne prennent que les produits nécessaires pour faire saucissons, saucisses et jambons. Et aujourd’hui l’Abattoir et les entreprises Roussaly et Franvial sont le cœur de l’activité charcutière.

 En 1966, le barrage du Laouzas est mis en eau. C’est pour EDF un investissement important : la puissance installée est de 100 MW. C’est de l’énergie renouvelable, mobilisable à tout instant, contrairement à l’éolien et au photovoltaïque, incapables de produire à la demande et en particulier le moindre kilowattheure pour passer la pointe de consommation d’hiver. Rappelons que l’énergie électrique n’est pas stockable.
Le plan d’eau engendré de 300 hectares a permis de créer une base de loisirs importante avec des loisirs aquatiques : baignade, voile, canoë, pédalos, pêche, etc. On peut aussi se livrer à d’autres activités : sauna-spa, randonnée, VTT, trampoline, tir à l’arc, etc.

La population modernise la vie au quotidien avec l’acquisition par tous les ménages de voitures, de télévisions, de machines à laver et de frigidaires. La vie sociale évolue. D’une vie intergénérationnelle, on est passé à une solidarité avec sa génération, comme par exemple la décohabitation dans les fermes. Mais aussi avec les aînés envoyés en Maison de retraite, alors qu’il y a un demi-siècle, l’honneur était de permettre aux Anciens de mourir dans leur maison.

En matière d’équipements publics, plusieurs points à signaler :

  • Généralisation du téléphone et son automatisation
  • Renforcement du réseau électrique pour alimenter des moteurs et plus seulement quelques ampoules, comme aux débuts de l’électrification
  • Travaux de rectification du tracé des routes initialement créées pour le transport avec des charrettes tirées par des chevaux et il convenait de les adapter à la voiture.
  • Relais de télévision et ensuite les antennes relais pour la téléphonie mobile
  • Équipements des collectivités : salles communes, matériel d’entretien de la voirie, mairies nouvelles, etc.
  • Développement de l’intercommunalité, piscine, maison de santé, …
L’abattoir de Lacaune
Le barrage du Laouzas

L’ACTION EN FAVEUR DU PATRIMOINE

Cela s’est traduit par le développement de musées : Musée de la vie paysanne de Rieumontagné, Musée du Vieux La Caune, Musée des mégalithes, Musée de la charcuterie, Filature Ramon. De ce point de vue, notre communauté de communes a une position originale.

Le CRPR présente aussi l’avantage d’offrir deux atouts clés au territoire :

  • L’édition de documents sur la mémoire locale : de l’ordre de 400 ouvrages portant sur l’ensemble de la comcom ! Et cela sans concours financier ni de l’État, ni de la région, ni du département, ni des collectivités territoriales
  • Un outil numérique pour la généalogie dans notre région avec le site http://muratsurvebre.free.fr/index.php

Pour une zone d’émigration, comme la nôtre, cela peut être un canal pour mieux mobiliser ceux qui ont un lien familial avec elle. On doit se préoccuper de ce public.

Également il faut rappeler trois autres opérations :

  • La Maison de Payrac avec la déclinaison de quatre thèmes : la nature protégée, le patrimoine sauvegardé, traditions maintenues, paradis des enfants ; en drainant douze mille  visiteurs annuel
  • Le Conservatoire de Tastavy de présentation de la tradition religieuse, un peu le pendant pour le catholicisme du Musée du protestantisme de Ferrières.
  • Le moulin de Narulle qui permet de le voir tourner comme cela se faisait depuis des siècles.
Musée de la vie paysanne en Haut-Languedoc à Rieumontagné
Conservatoire de Tastavy
Moulin deNarulle
Chanson du Laouzas
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