
Louis Bessière nous a quittés le mardi 11 janvier 2022, au terme d’une vie bien remplie.
Depuis une vingtaine d’années, j’ai pu mesurer combien Louis Bessière avait été un acteur exemplaire et remarquable dans notre vie associative collective.
Pour les activités que je suivais, cela a commencé par le moulin de Narulle. Louis et mon oncle Pierre Pistre avaient décidé de faire marcher à nouveau ce moulin. J’avais pensé que le décès brutal de mon oncle en 2000 remettait en cause ce projet, mais Louis m’a dit qu’il s’en chargerait tout seul. Et en effet il a refait le roudet (la turbine) ainsi que les assises des meules. Le miracle s’est produit : le moulin tournait. Ensuite quand on a repris de restaurer le bâtiment qui surplombait le moulin, Louis a refait les planchers, il a fait de belles tables et un lit à alcôve. L’armoire de ses grands-parents et leurs portraits sont dans la salle au-dessus du moulin.
Si le moulin de Narulle est aujourd’hui ce qu’il est, c’est pour l’essentiel l’œuvre de Louis.
Le deuxième lieu où Louis a eu un apport décisif est la Maison de Payrac. Je me souviens du moment où il m’a conduit pour acheter une locomobile et dans la foulée il a installé une scie et a créé une équipe de motivés qui sait passionner les visiteurs. C’est là qu’on a vu que Louis était non seulement un bon professionnel du bois, mais aussi un animateur de personnes avec un charisme incroyable.
A la maison de Payrac, il était toujours disponible pour faire un escalier en bois d’orme, comme on n’en fait plus aujourd’hui, mais aussi des brouettes, des échasses, etc.
Un autre lieu où il est intervenu est Tastavy, le lieu de la paroisse d’origine de son épouse qui l’a accompagnée fidèlement tout au long de sa vie. Les boiseries de Tastavy comme l’escalier portent la signature de Louis.
Le musée de Rieumontagné lui doit le magnifique aménagement de la galerie des métiers. A Lacaune même, Louis s’est aussi impliqué dans la l’aménagement du Musée du Vieux La Caune.
Les tours du château de Nages ont aussi bénéficié du concours de Louis. Les portes, les rampes, toutes les pièces en bois ajoutées portent la marque de Louis. Il a aussi fait un don : la corde de 300 mètres de long que son grand-père, Pierre Albert avait commandée pour arrimer à l’Esplanade le clocher de l’église de Lacaune quand il l’a entièrement refait il y a une centaine d’années.
Son grand-père a été une figure exemplaire qui lui a appris le travail du bois, mais, par son exemple, a su aussi le tirer vers le haut. Pierre Albert, né en1858 et mort en 1946, a réalisé des exploits. On lui doit d’avoir hissé sur leurs socles les Vierges de Roquecézière et de Montalet. Louis aimait rappeler comment son grand-père avait preuve de biaïs pour la mise en place de celle de Roquecézière. L’opération avait été payée pour moitié par ceux qui vivaient sur le plateau et pour moitié par ceux qui vivaient en contrebas. Aussi quand il s’était attelé à sa tâche, il découvrit qu’une moitié des gens voulaient la tourner vers le village et l’autre moitié vers l’Aveyron. Il a alors dit à son équipe : « Allons nous coucher et demain nous nous lèverons à l’aube et nous la mettrons tranquillement sur le socle. » Et quand les gens sont arrivés pour reprendre leurs doléances, Pierre Albert leur a dit : « j’ai pris le marché de porter la Vierge sur son socle. C’est fait ! Si vous voulez la tourner, c’est votre affaire ! »
Pierre Albert a aussi redressé la Pierre Plantée qui avait été renversée il y a deux cents ans par des malins qui pensaient trouver un trésor à son pied. Il a fait creuser un trou d’un mètre de profondeur et avec un profil : celui du menhir. En faisant glisser le menhir vers le trou, le menhir est tombé dans le trou et s’est redressé tout seul. Le biaïs remplaçait les appareils de levage qui n’existaient pas alors.

Louis a écrit pour les Cahiers de Rieumontagné ses souvenirs sur le Réveil Lacaunais, sur son grand-père, sur le passage à Lacaune de la statue de Notre-Dame de Boulogne, sur l’instituteur Armand Curvalle, ainsi que sur l’église de Lacaune, où cet homme de foi répondait présent lorsqu’il y avait quelque chose à faire.
Je terminerai en disant que si j’ai été très heureux de maintenir un lien fort avec ma terre natale, c’est au premier plan grâce à la rencontre de personnes comme Louis Bessière. Son amitié m’a permis de vivre des moments forts d’intelligence partagée au profit du bien commun de notre petite patrie. Le tout dans une solidarité humaine chaleureuse, à base de plusieurs ingrédients : la compétence, la générosité, le biaïs, l’amour de la vie et celui du partage.
Merci Louis pour tout ce que tu nous as laissé. Tu as été un homme vraiment exemplaire et attachant. Tous ceux qui t’aimaient étaient là jeudi 13 janvier dans l’église de Lacaune pour t’accompagner nombreux jusqu’à ta dernière demeure.
Tes filles, tes petits-enfants et arrière-petits-enfants peuvent être fiers. Rejoins ton épouse, rejoins ton grand-père et repose en paix.
