Tous les artisans et tous les paysans élevaient quelques cochons qu’ils tuaient en hiver pour avoir une nourriture carnée tout au long de l’année.

Quand les échanges se sont développés avec le Pays bas de l’Hérault, certains ont vu qu’il y avait un moyen simple d’avoir des ressources complémentaires. Préparer de la charcuterie pour la vente. Ils savaient faire, ils la faisaient pour eux. Il n’y avait pas besoin d’installation nouvelle : on opérait avec les mêmes instruments et les mêmes modalités que pour la consommation familiale. Et, aussi, seulement en hiver, bien sûr.

Le transport au Pays bas se faisait avec une carriole tirée par un cheval. À partir de 1920, s’opère le transport avec les camions. Mais le véritable changement s’opère vers 1950 avec l’apparition des frigos. L’activité s’étend à toute l’année. On passe à du personnel à temps plein. Auparavant, des paysans ou artisans travaillaient à temps partiel en hiver. Avec le travail à l’année, on embauche des salariés à l’année. L’exemple d’Ernest Molinié est significatif. Il menait sa ferme des Cabannes tout en effectuant des journées en hiver dans une charcuterie. Après il a dû devenir salarié à temps plein.

En 2008, le CRPR a publié un ouvrage NOS CHARCUTIERS SALAISONNIERS. Dans cet ouvrage, Marie-Thérèse Poujade (née Valette) et Marinette Midroit (née Pagès) ont décrit le travail de préparation depuis les débuts.

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Toutes ces personnes habitaient le quartier du haut du Pioch et travaillaient pour Chiambrou. De gauche à droite, les hommes sont Raoul ESCANDE, Louis PAGES, Joseph ESCANDE (dit Mounarc) et Joseph CALAS (dit Chiambrou); les femmes: Marie CABANNES (dite La Raougnaïra), Paule CABANNES (sa fille), Marinette PAGES (épouse MIDROIT), Albanie ALRAN (épouse de Joseph CALAS) et Eugénie CABROL.

La photo a été prise devant le portail du local dans lequel avait lieu l’abattage des porcs. Les premiers abattoirs étaient souvent archaïques et la plupart du temps, on saignait les cochons à l’extérieur.

Une fois terminée la première phase, on ébouillantait la bête pour la débarrasser de ses soies. Le porc était ensuite vidé des boyaux et découpé. Les morceaux prenaient la direction de la souillarde, cave très fraîche dans laquelle ils se refroidissaient avant d’être travaillés.

C’était après tout cela l’heure du sacro-saint déjeuner : tindélou et œufs au plat et bien d’autres nourritures qui régalaient toute la tablée. Tout le monde avait bon appétit car on se levait à 3 ou 4 heures du matin. Les hommes à tour de rôle devaient allumer le feu des chaudières qui chauffaient de grandes quantités d’eau pour ébouillanter les animaux.

Après ce copieux déjeuner, chacun reprenait ses fonctions : les hommes découpaient les carcasses, la tâche des femmes consistait à s’occuper rapidement des boyaux. Ils étaient déposés dans des linges, chargés dans des brouettes et prenaient la direction de la rivière pour y être soigneusement nettoyés, au mépris de toutes les intempéries.

Une fois dépecées, les grosses pièces (jambons, poitrine, lard) partaient en direction des saloirs où elles allaient rester le temps nécessaire. Pendant que les femmes s’affairaient à la préparation des boudins, les hommes désossaient et triaient la viande qui allait servir pour la saucisse et les saucissons auxquels on réservait les meilleurs morceaux : les longes ou filets de porc. Toute cette viande devait être triée, débarrassée des nerfs ; cela se faisait avec un bon couteau et à la main. Ensuite, le hachoir entrait en fonction puis venait le poussoir souvent actionné à la main et au bout de l’entonnoir sortaient saucisse et saucissons que l’on attachait vigoureusement afin qu’ils ne risquent pas de se détacher de la barre à laquelle on les suspendait.

Quand la salaison des jambons avait atteint son terme (28 jours environ), on les lavait légèrement et une fois égouttés, ils partaient à l’aide de crochets suspendus à une poulie qui faisait l’ascenseur jusqu’en haut de la maison où une pièce était destinée au séchage. Comme les jambons devaient sécher à l’air libre, plusieurs fenêtres étaient munies de moustiquaires et on assurait une bonne ventilation en les ouvrant ou en les fermant selon les besoins.

Les premiers charcutiers installés à Lacaune n’étaient que cinq ; beaucoup ont suivi et de nos jours, quelques descendants d’anciennes familles existent. Nos ancêtres et prédécesseurs, hommes et femmes, furent des gros travailleurs, nantis, je dois dire, d’un caractère bien trempé, d’une robuste santé et surtout de l’amour du travail bien fait.

Patrons et domestiques mangeaient à la même table, il y avait une certaine convivialité et lorsqu’on était un peu en avance, on entreprenait une partie de cartes, ce qui laissait aux femmes le temps de préparer le repas.

Le temps se déroulait ainsi au fil des semaines ; ce travail artisanal du début du XXe siècle a permis à bon nombre d’habitants du village de Lacaune d’y vivre et d’y rester et ensuite de prospérer. L’amélioration des conditions de travail dans des laboratoires aux normes sanitaires très pointilleuses et le savoir-faire des artisans charcutiers salaisonniers font que leur réputation est indéniable.

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