C’est dans la Gazette de la Calade N°17 que se trouve le seul texte sur ce sujet que nous connaissons . Ont participé à ce travail à Murasson : Manou Blayac, Jeanine Rul, Madeleine Blayac, Michèle Sicard, Hélène Merle, Lucien Alingrin. Nous publions ici le texte intégral. Voici :
Le thème retenu par l’équipe Mémoire du village durant l’été 2014 porte sur les colporteurs et les marchands ambulants venant à Murasson au cours de la période allant de l’entre deux guerres aux années 80.
L’arrivée de la voiture et sa généralisation ont joué un grand rôle dans l’évolution de ces activités. Elle permit à des commerçants voisins d’organiser des circuits de vente à date et heure fixes et surtout, aux habitants du village d’aller s’approvisionner dans les agglomérations voisines, Lacaune ou Saint Affrique.
Ce que l’on qualifie de colporteurs correspond à des périodes plus anciennes et souvent plus pauvres où des hommes passaient dans les villages et proposaient divers services en échange de repas, d’un gite et de quelques pièces.
Le premier souvenir, datant d’avant la guerre de 14, fut évoqué par Manou qui le tient de son père et de son grand-père. Souvenir étrange d’un passage dans notre village d’un montreur d’ours : il faisait danser la bête au son d’un tambourin. A la fin du spectacle qui devait attirer de nombreux spectateurs il faisait la quête.
Puis on enchaîne bien vite par l’évocation des « roudaïres », les ramoneurs arrivent aussitôt dans l’échange : hommes très pauvres, très sales et inconnus que les femmes hésitaient à faire rentrer. Ils passaient de maison en maison à la recherche d’une assiettée de soupe, mais certains aimaient cette vie errante.
On évoque aussi les colporteurs de fil et de dentelles mais aucun souvenir particulier.
Quelques roudaïres connus ont laissé des souvenirs plus précis
– « Viarelle » était un pauvre garçon un peu simplet, pris en pitié par les uns mais pas toujours bien reçu par ceux qui travaillaient. Il abordait les gens en se penchant très près du visage avec un « Sabi canta, vol que te canti ? » (Je sais chanter, tu veux que je chante?). Il accosta un jour la grand-mère de Madeleine qui travaillait à la grange, celle ci le rabroua car elle avait fort à faire. Viarelle vivait des quelques piécettes qu’on lui donnait.
– « l’Estamaïré » passait et s’installait devant l’église pour reétamer les couverts avec de l’étain fondu
– « Le Cantalou » vendait des vêtements de travail et était connu pour falsifier les chèques mais par peur ou par manque de jugeote, il gribouillait seulement les centimes !
– « Le Cantalou » vendait des vêtements de travail et était connu pour falsifier les chèques mais par peur ou par manque de jugeote, il gribouillait seulement les centimes !
– « Mathieu de la Drôme » passait à intervalles réguliers, il vendait l’almanach François et des allumettes de contrebande[2]. Un jour poursuivi par les gendarmes (pour recel d’allumettes?) il jeta son stock dans le bûcher d’Escande et partit se cacher dans les bois. Tout le village ramassa ses allumettes. Il revint quelques jours après afin de les récupérer mais hélas …
– Dit « Jambe de bois », Monsieur Roudier s’installait pour quelques jours à Roumière où on le laissait dormir dans la grange et où il pouvait obtenir une assiette de soupe. Il passait le pays pour raccommoder les assiettes et les plats avec de grosses agrafes. Jeanine se souvient d’être rentrée, très jeune, dans une maison et d’avoir été étonnée par la quantité de vaisselle « pétassée ».
– « Le Cantalou » vendait des vêtements de travail et était connu pour falsifier les chèques mais par peur ou par manque de jugeote, il gribouillait seulement les centimes !
– Moins loin « Jordi des cos » achetait dans les fermes les « gaudes », vieilles brebis, il les poussait jusque chez lui dans la montagne. Là, il les engraissait puis allait les vendre dans l’Hérault. N’ayant pas fait fortune, on se souvient de lui surtout pour ses trois chiens qu’il attachait ensemble et qu’il proposait à la vente. Par la suite, il devint mendiant et se promenait toujours avec trois ou quatre chiens attachés en réclamant « un crouton pour le chien ».
(Nota du blog du biaïs : Jordi avait eu un début de carrière brillant, comme marchand de bestiaux depuis la ferme de Joucla, Il avait terminé comme l’indique la mémoire de Murasson)
– Jusqu’aux années cinquante, on pense et on parle du « peillarot » qui faisait le tour des maisons du village et des fermes en criant « Peillarot ! Pel de lèbre, pel de lapin ». Il arrivait par la route de Belmont, traversait le village en criant puis s’arrêtait pour ramasser les peaux que l’on avait fait sécher sur un arceau en osier.
Les ambulants avec camion
– « Le Caïffa », premier épicier ambulant qui, jusqu’à la dernière guerre, s’installait devant l’église et faisait aussi des tournées dans les fermes. On lui achetait principalement du sucre, de l’huile, des pâtes, du sel, du café et du phoscao. Il s’agissait des seuls produits alimentaires que l’on ne produisait pas sur place.
– « Banania » autre épicier ambulant qui fidélisait ses clients avec un carnet à prime et des timbres à coller dont le nombre variait suivant le montant des achats effectués. Quand le carnet était rempli on pouvait alors obtenir un cadeau : c’était souvent de la jolie vaisselle que les dames commandaient. Madeleine se souvient que sa maman lui avait offert une poupée avec la tête en porcelaine et des yeux qui se fermaient. Elle était très fière de sa belle poupée, un jour d’école alors qu’elle était en classe sa sœur attirée par ce beau jouet la lui prit et malheureusement enfonça les yeux. Au retour de l’école on lui annonça la mauvaise nouvelle. Elle fut très en colère et eut beaucoup de chagrin.
– Après la guerre dans les années 60 et jusqu’aux années 80 « L’Economic » (Monsieur Combes de Lacaune) s’installait au village le dimanche matin. Il vendait seulement des fruits et des légumes car on comptait encore une épicerie à Murasson.
– On se souvient aussi d’Antoine de Montlaur qui venait en semaine et vendait lui aussi des primeurs et de « L’Abeille » de Mr Durand de Lacaune, lui aussi primeur.
– Il y eut un marchand de poissons (et non poissonnier) qui venait de Combret. Il vendait des poissons de rivière et quand la rumeur se propagea qu’il les pêchait à la sortie des égouts, ses tournées prirent bien vite fin.
Les représentants de linge de maison, de vêtements etc.
– Dans les années 1920, Louis Trinquier accompagnait les voyageurs des établissements Alauze de Saint-Affrique (magasin de tissu). Ceux-ci proposaient des échantillons de tissu et des modèles de vêtements. Ainsi on avait le choix pour commander. Les mesures prises et le tissu choisi, Louis Trinquier se chargeait de les faire confectionner par sa fille Sidonie. Les vêtements étaient livrés quelques semaines plus tard.
– Marie Roques (Mme Cabanes) vendait aussi des vêtements. Madeleine se souvient qu’on lui achetait le manteau d’hiver. La grand-mère de Manou s’y procurait du tissu pour faire les blouses. Ces dames nous précisent que les tissus et vêtements vendus par Marie Roques avaient la réputation d’être plus chics, elles ajoutent que le mari de Mme Cabanes était tailleur: il coupait et cousait les costumes pour les hommes.
– Après la guerre de 39-45 Mr Sabatier a repris le porte à porte : il avait un camion et s’installait chez François. Il passait dans les écarts. Madeleine nous raconte qu’elle y avait acheté le trousseau de pension pour chacune de ses filles, elle n’oubliait pas de faire broder les initiales. C’est une jeune femme qui lui a succédé. Elle a laissé un triste souvenir à une de nos « dames » : elle se souvient d’une augmentation de prix très substantielle entre la commande et la livraison !
Dans la même période, en alternance, passait Vayret qui s’installait devant chez André ou sur la place de l’église.
Les boulangers :
– Le premier souvenir du boulanger date d’avant la guerre : « Puech » de Barre qui ramassait le blé et fabriquait le pain.
– Pendant la guerre les habitants de chez nous devaient monter jusqu’au Cabanial, à la limite du Tarn, pour acheter le pain : une loi interdisait le déplacement de certaines denrées d’un département à l’autre. Durant ces années là, les murassonnais allaient faire moudre le blé au moulin de Vabre l’Abbaye, ils ramenaient la farine de nuit et l’entreposaient dans un grenier discret. Même les enfants participaient à cette opération : ils éclairaient cachette et escalier… Ensuite la farine était acheminée par petites quantités et à l’insu de la plupart et c’est le « pépé » d’Oulabre qui s’en chargeait.
– A la fin de la guerre, le boulanger de Barre reprit ses tournées normales.
– Avant 1939, les boulangers de Belmont passaient aussi, mais Mr Mouls (le frère du grand-père du boulanger actuel) a préféré arrêter ses passages devant la difficulté des interdits allemands. Mr Nozières quant à lui était prisonnier. Tous deux ont repris les tournées après 1945 Mr Nozière le mardi et Mr Mouls le dimanche et le jeudi.
Représentants après les années 1945
L’électroménager
– Mr Poujade surnommé « Thomson » a vendu la première machine à laver à Emma de Rabezou vers 1955.
– Mr Foulquier de Lacaune lui aussi vendait de l’électroménager
– Julien Milhau de Belmont dit « Blancou » était ouvrier électricien et représentant aussi pour certaines marques d’appareils.
Le matériel agricole, les véhicules et les semences.
– Mr Gavalda de Montlaur a vendu le premier tracteur de la commune à Oulabre.
– Les premières voitures ont été achetées par Mr Rul du Calcadieu, puis par « Marcou » du Pradal, Mr Bousquet du Gorp du Pont, Mr Combet, Mr Guipal….
– Mr Marc du Pradal avait acheté deux maisons à Murasson et sa fourgonnette avant la guerre. Il faisait commerce d’œufs entre autres… A ce propos ces dames se souviennent avoir collecté des œufs pour payer le carillonneur du village : les enfants se partageaient la paroisse, certaines se souviennent de refus bien net et peu respectueux du « Niap ».
– Elie Cabanes dit « Carpentier » ou « Karkof » ou « Camarade » était représentant en semences (Vilmorin) et en semis de patates. Ses semences étaient récupérées à la gare par Mr Cazals. Il passait dans chaque ferme et prenait du temps à vanter les mérites de chacun de ses produits en buvant ce qu’il aimait, une grande quantité de vin et il n’était pas rare qu’il finisse à la table familiale. Louis Menras épuisé d’une longue journée de travail le laissa, un soir, attablé devant quelques « cadavres ». Il se leva et lui dit : Tu peux dormir ici, moi je vais au lit mais si tu pars n’oublie pas de fermer la porte… à clé.
Une autre anecdote : Elie versait souvent sa voiture dans les « razes » avoisinantes. Un soir, une famille de Belmont le vit revenir après une soirée de ventes à domicile et Elie leur raconta ses soucis, ses déboires et leur annonça qu’il venait de faire une tentative de suicide. On se déplaça donc prestement sur les lieux et quelle ne fut pas la surprise quand on réalisa que tout simplement la voiture avait versé et que notre représentant avait trouvé cette ruse afin de se faire dépanner…
Les foires :
Elles avaient lieu le 7 janvier et le 5 juillet. L’été on y vendait les brebis de réforme, l’hiver les cochons gras. Pour vérifier que les cochons n’avaient pas le ténia, on l’immobilisait, on lui tirait la langue afin de vérifier la présence ou non de vers ; cela provoquait beaucoup de cris et de bruits sur le foirail.
Le contrôle de la présence ou non de vers
Les acheteurs de cochons étaient principalement des « gens » de la montagne, ils aimaient se retrouver au restaurant et faisaient des concours de « mangeurs de saucisses » dans une ambiance des plus bruyantes ! Manou se souvient de la dernière foire le 7 janvier 1939.
Le soir des foires se terminait par un bal avec un accordéoniste dans la grange de Rul !