Autrefois, et même encore dans les années 1950, dans certaines régions, le remariage des veufs était accompagné de toute sortes d’extravagances, le Larousse appelle cela un charivari, ou bruit confus et tumultueux qu’on fait avec des poêles, des chaudrons etc…aux portes de ceux qui célèbrent leurs secondes noces, pour les tourner en dérision.

Dans l’édition de 1846 du dictionnaire provençal et la langue d’oc ancienne et moderne, l’appelle Caribari, carivari ; à Barre on dit :  caribai (/tsaribari/).

S’il est difficile de connaître l’origine du charivari, il n’en est pas de même des intentions qui l’ont déterminé, car autrefois, comme en 1950, on n’a d’autres objets en vue, dans ces démonstrations bruyantes, que de blâmer la conduite de celui qui en était gratifié ; ce sera d’ailleurs la raison de celui qui s’est déroulé à Barre et dont il sera fait mention ci-après.

Un soir, il me fut donné d’assister et même de participer à un charivari à Barre dans les années 1890. Ce charivari n’était pas pour des veufs se remariant ensemble mais pour blâmer la conduite d’une femme folle de son corps. Le mari trompé était, aux yeux des villageois, non seulement coupable de se laisser tromper, mais encore d’héberger, loger et nourrir le galant, un manchot sorti on ne savait d’où, qui, plus tard, alla troubler le cœur d’une autre belle du village, mal mariée à un homme trop simple et naïf.

            Que l’on se représente un village sans distractions, plein à craquer d’enfants, de jeunes gens, sans parler des hommes, des femmes, des vieux, des vieilles chantant à plein gosier une chanson composée pour la circonstance par un mauvais poète du lieu, aidé par d’autres plus ou moins farceurs, tous piètres rimailleurs. Les refrains de l’invraisemblable chanson sont soulignés par le roulement de casseroles métamorphosées en tambours et frappées à tour de bras avec une pelle à feu ou des écumoires, de vieilles marmites et des chaudrons crevés sortant on peut se demander d’où mais gémissant lugubrement  sous les coups de pique-feux ou de gros bâtons ; de toute une batterie de cuisines hétéroclites et démodées faisant office de cymbales, grincement horrible du fer contre le cuivre ou les pavés ; de vieilles faux butées les unes contre les autres, d’immenses crécelles (de rainetas) fabriquées la vieille ; de vrombrisseurs (debronzinoiras) de toutes dimensions fait avec n’importe quoi, à condition qu’une peau de vessie de porc sèche puisse être tendue sur un fond défoncé de vieille boîte ronde, de vieux seaux, de vieux barils, une corde poissée placée au milieu de la peau, et qui, sous le glissement saccadé des doigts, donne un bruit qui épouvante et énerve. A tout le vacarme susceptible d’être obtenu avec pareil orchestre s’ajoute les appels avec des trompes de pâturages, des cornes des bergers des fermes voisines ou les couacs discordants de quelques vieux clairons ; surtout ne pas oublier les beuglements obtenus avec quelque vieil arrosoir.

Tout cela forme l’orchestre d’un charivari tel que je me le rappelle ! C’est diabolique ! A tel point que les chiens épouvantés hurlent et les chats se sauvent…Et la foule rit, crie, chante, frappe sur tout ce qui peut faire du bruit ; c’est un vacarme discordant ; c’est quelque chose d’effrayant, d’ahurissant ; c’est à croire que l’enfer vomit ses légions de diables dans les rues de Barre.

La chanson de circonstance se grossissait au fur at à mesure des passages devant la maison du mari trompé, et des jours, les jeunes et vieux couraient, chantaient, faisaient la ronde devant la maison du mari berné. Je me rappelle avoir vu la femme, une boiteuse, restant stoïquement accoudée à sa fenêtre ; il lui fallait avoir du cran !

Quelques paroles chantées me reviennent en mémoire :

Voilà, voilà Pimpin,

Voilà comme il est bien !

Sa femme ? Elle est gentille.

Sa femme ? Elle est boiteuse !

Mais elle trotte bien !

Depuis qu’il a pris femme,

Jamais il ne travaille ;

Il fait bonne ripaille !

Voilà un homme heureux !

Voilà, voilà Pimpin,

Voilà comme il est bien !

Sa femme ? Elle est…

…..

Il y avait de nombreux couplets, tous étaient remplis de réflexions plus ou moins spirituelles, de grosses plaisanteries, de grossièretés trop osées qui se trouvaient dans chaque phrase et, toutes, remplies de malices et de sel vraiment gaulois.

J’ai également vu le commencement d’un autre charivari : un cordonnier veuf devait se marier avec une veuve. Plutôt que de voir la scène s’amplifier, et le charivari se renouveler le lendemain, le surlendemain, quelques fois presque une semaine ; au lieu de déserter le champ de bataille, de chercher refuge dans un village voisin, il entra en composition avec les promoteurs de la cabale ; adroitement il offrit une raisonnable quantité de litres de vin qui furent gracieusement acceptés ! Ainsi fut éteint le brandon d’un charivari qui n’eut pas totalement lieu. Un diner convenable, surtout bien arrosé, acheva d’éteindre les derniers tisons d’une mascarade qui avait bien commencé.

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