En 1875, Maurice Bastié, un médecin de Graulhet, a publié une monographie du Tarn (LA DESCRIPTION COMPLÈTE DU DÉPARTEMENT DU TARN par MAURICE BASTIÉ, Imprimerie Noguiès d’Albi).
On a ainsi une photographie de la situation dans notre montagne, en particulier comment était en train de se développer la production du fromage de Roquefort, alors qu’en 1840, faute de moyen de transport, l’élevage des brebis ne pouvait déboucher que sur la production de moutons aptes à se déplacer seuls derrière un berger ou un maquignon qui les amenaient ainsi très loin. Avec la création des routes et des chemins de fer, la voie était libre pour le développement et l’écoulement des fromages Roquefort.
Voici donc ce qu’écrivait Bastié en 1875. Il n’y avait pas de laiteries et on trayait une seue fois le matin :
Dans plusieurs cantons montagneux de l’arrondissement de Castres, et spécialement dans ceux de Lacaune et de Murat, on fait un commerce très lucratif rn fabriquant le fromage de Roquefort. Cette industrie a pris un grand développement depuis quelques années. C’est le lait de Brebis qui est employé exclusivement pour la confection de cette espèce de fromage.
Les brebis sont traites une fois par jour, entre sept et huit heures du matin. Le lait est reçu dans des vases en bois et versé ensuite à travers un tamis dans des vases en terre vernie, et en dernier lieu dans une marmite en cuivre ; de là on le porte à la métairie, où on le mêle avec la présure faite avec la caillette d’un chevreau, dans la proportion de deux cuillerées pour 25 litres de lait. Au bout de deux heures, le caillé est formé ; on coupe alors la masse caséeuse avec une écumoire pour séparer le petit lait ; on la comprime, on la met dans une forme où elle est pétrie avec soin ; quand la pâte est suffisamment divisée, on la place dans un linge et on la remet enveloppée dans la forme, où le laisse plusieurs jours, jusqu’à ce que la masse soit devenue solide. Dès que ce résultat est obtenu, on le pose sur une table garnie d’un linge, dans un endroit très-sec, et de là le porte successivement dans deux pièces plus fraîches que la première.
Après cette épreuve il ne reste qu’à placer les fromages dans les caves du pays, où la température est de 6 à 8°.
Le plus grand nombre des fabricants, pour rendre ces fromages plus parfaits et leur faire acquérir une qualité supérieure, les transportent dans les caves de Roquefort. Chaque fromage représente dix-huit litres de lait, et pèse environ 2 kg ; on les vend 1 fr. la livre.
Ces fromages, façon Roquefort, ont une pâte excellente et sont d’une bonne conservation ; ils sont aujourd’hui très recherchés et l’objet d’un grand commerce.
.Pour terminer, indiquons que Maurice Bastié relève dans l’ouvrage dont on a parlé ceci : « Au nord de Lacaune, tout près de la route, sur une petite éminence, on voit un beau château au centre du vaste domaine de Calmels ; il est la propriété de M. de Naurois, bien connu dans le monde agricole par la création d’un grand troupeau de southdwons et par une médaille d’or obtenue pour son exploitation dans le concours régional de 1859. »
On ne parlait pas encore de race de brebis Lacaune, mais de brebis southdwons (du nom d’une région du sud de l’Angleterre). Ce sont les croisements effectués par Ludovic de Naurois qui marquent le troupeau de Calmels, qui seront à l’origine de la race Lacaune.