Le Biaïs local
C’est avec intérêt qu’Odette et moi, avons pris connaissance des divers points traités sur ton blog. La plupart d’entre eux nous sont connus, quelquefois de manière légèrement différente. Certains me rappellent des souvenirs tellement gravés dans ma mémoire que je ne peux résister au plaisir de les rappeler ici.
Petit train de Murat : C’était la première fois que je montais dans un train, c’était en 1943, j’avais 13 ans, nous allions mon père et moi à Roquecourbe à une communion. A l’aller, à Pierre Ségade, une jeune fille l’air gitane, cheveux noirs, robe écarlate, est montée face à moi dans notre wagon. A Peyroux de telles filles n’existaient pas, elle était pour moi une curiosité que je ne pouvais quitter des yeux, sans doute avec tant d’insistance, qu’à la fin elle me dit « beueueu ! tu veux ma photo ! ». J’en rigole encore en me revoyant dans ce petit wagon plein de gens très prés les uns des autres, silencieux, mais quelle honte j’ai ressenti à ce moment là ! Sans doute, rouge comme une écrevisse cuite, je ne savais plus vers où tourner mon regard, il me semblait que tous me regardaient d’un air réprobateur.
Au retour, le train était arrêté dans une gare, et ayant repris mon assurance, je suis descendu sur la dernière marche du wagon pour voir comment se comportait l’ensemble du train au démarrage dans une courbe, et pour avoir une opinion plus sûre, je regardais vers l’arrière, en me penchant le plus possible vers l’extérieur me tenant d’une main à la rampe d’accès au wagon. Mon incompétence en matière ferroviaire ne m’avait pas permis de savoir qu’il y avait des panneaux plantés au bord des voies ferrées. Je l’ai très vite appris, brutalement, j’ai pris un coup derrière la tête contre le panneau, suivi d’un autre sur le nez contre le wagon. Cette péripétie était plus grave qu’à l’aller car j’aurais pu sous le choc lâcher la rampe et me retrouver sous les roues. Je remontais penaud dans le wagon où personne ne s’était aperçu de mon imprudence.
Je me souviens de la lenteur de ce petit train et des difficultés qu’il avait à gravir les pentes quand il était en surcharge. Cela lui arrivait les jours des fêtes à Lacaune. En montant vers le Tyoïs il patinait, le chauffeur envoyait sans arrêt du sable sous les roues motrices, et nous avions le temps- et puis c’était tellement amusant- d’aller arroser les herbes sur le bord de la voie, et de remonter sans trop de peine.
Cordonnier de Boissezon :
Je ne l’ai pas bien connu, par contre, j’ai très bien connu celui de Murat. Il s’appelait Barthés, mais on l’appelait« Anric dé la Pijé » il avait son échoppe près de l’horloger à gauche en allant sur Murat, juste après l’église. Quand j’allais à Murat, à pied bien sûr, je m’arrêtais pour prendre les leçons élémentaires de cordonnerie qu’il voulait bien me donner, mais surtout parce qu’il me promettait de me donner des guêtres en cuir. Elles étaient paraît il sur une haute étagère il m’a toujours dit qu’il les chercherait pour la prochaine fois, mais il n’a jamais tenu parole. Par contre, il m’a appris à coudre à l’intérieur de la chaussure, à partir de deux « pounjos dé lignor » soigneusement roulées sur le genou avec de la poix, les aiguilles faites avec un crin de sanglier fixées à une extrémité du ligneul imprégné de poix. Passer la main sur le crâne évitait que le ligneul colle à la main, mais cela allait bien pour lui qui était chauve et qui entretenait soigneusement assez de jus sous sa vieille casquette allergique au savon, mais moi j’avais beau passer et repasser ma main dans les cheveux, le ligneul collait toujours.
J’ai passé de nombreuses heures avec cet homme que j’appréciais beaucoup.
Frein de vélo :
Cette méthode était très appréciée par les ’’ paîbassols ‘’ quand ils venaient chercher des pommes de terre pendant la guerre. Au col de Font Froide le petit bois était coupé, mis en fagot et accroché derrière le vélo pour économiser les patins qui étaient en bois et n’auraient pas supporté de ralentir la charge jusqu’à Olargues, où certains malins attendaient les vélos pour récupérer le bois.

Plantation de résineux :
C’est avec plaisir que j’ai retrouvé sur la vidéo, mon ami d’enfance Léon de la Ténésole. Nous étions de la même classe et nous partagions de bons souvenirs de jeunesse. Je lui avais vendu une pie que j’avais apprivoisée. Il me l’a payée avec quelques pièces et une broche volée à sa sœur représentant une grosse cigale. Cette transaction à été conclue pendant la messe à Condomines.
Un jour, il me dit que les sangliers lui ‘’ défataient ‘’ le blé et qu’il me fallait l’aider à s’en débarrasser. C’est, bien entendu avec plaisir, que je lui ai rendu ce service. Nous voilà partis un soir, chacun à un champ de blé différent, et vers une heure du matin je l’entends tirer un coup de fusil. J’allais le retrouver pour l’aider à ramener la bête. Je trouvais mon pauvre Léon catastrophé, il venait de tuer son meilleur chien de brebis qui était venu le rejoindre. Le malheureux chien noir et de forte taille, avait, dans l’obscurité, été pris pour un sanglier.
C’est aussi avec plaisir que j’ai revu son père. L’entendant parler de la guerre, j’ai pensé à mon grand père, qui, bien que plus âgé, avait comme lui, longtemps vécu dans l’enfer de Verdun et son terrible chemin des dames. Quant ils se rencontraient, c’était un interminable rappel de souvenirs de cette atroce guerre.
Le renard voleur de poules :
J’ai à plusieurs reprises, avec les copains, ‘’ passégé ‘’ d’une maison à l’autre, le renard tué par mon père pour récolter quelques pièces, une friandise, une cigarette ou un coup à boire, mais je ne me souviens pas avoir connu la moindre concession à l’égard de Goupil, ennemi juré des poulaillers.
Nous aurions encore beaucoup de choses à dire sur l’arrosage à la pelle, le pal, le péral, les toits en genêts qui amusent aujourd’hui, mais qui étaient très difficiles et pénibles à faire, le vol de bois où le détonateur était plus efficace mais plus dangereux que la poudre, etc…etc… mais tu m’as donné l’occasion d’assouvir mon désir de rappeler de vieux souvenirs comme aiment tant le faire les gens de mon âge.

Odette et moi avons appris sur le langage des cloches, l’estripa cat…, et enrichi nos connaissances sur ce que nous connaissions. Nous admirons surtout ton engagement sur les traditions de notre cher pays, en entraînant avec toi beaucoup d’autres, qui d’eux-mêmes se seraient abstenus et restés dans l’anonymat.
Odette et Roger

Categories: Ingéniosité

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