Une fosse à loup vient d’être reconstituée à côté de la Maison de Payrac. Cette opération a été réalisée, non pour capturer des loups, mais pour que le visiteur découvre un type d’installation qui existait autrefois dans notre secteur.

Le thème des loups dans notre montagne a été abordé dans plusieurs Cahiers de Rieumontagné. Dans un long article, « Procédé de capture des animaux » Francis Vidal (1) décrit les moyens d’éliminer les loups, soit en empoisonnant des morceaux de viande, soit avec un fusil. Des primes étaient offertes à ceux qui avaient tué une bête.
Un rapport du « préfet » du Tarn (qui était alors l’ancien conventionnel de Lacaune, Joseph Terral) de 1796, porte sur l’élimination des loups (2). Ce rapport rappelle une préoccupation de nos ancêtres et leur volonté de voir disparaître ces animaux. Mais le principal intérêt de ce texte est de relever les conséquences de la totale dévalorisation de la monnaie révolutionnaire. Les primes n’ayant aucune valeur, les paysans n’avaient plus aucune incitation réelle à opérer des captures. (Napoléon a su ramener la confiance dans la monnaie officielle en créant, en 1803, le franc germinal).

Les témoignages sur les dégâts des loups
Un article de presse (3) indique un incident survenu à Montalet en 1857 :
« Dans la soirée du 27 juillet le troupeau de la métairie Saint-Pierre de Vidals, située au pied du Montalet, s’étend rendu à son étable comme à l’ordinaire, le berger s’aperçut que le nombre de bêtes n’était point au complet. Il fut tenté d’abord d’aller à leur recherche, mais, la nuit étant survenue, on remit au lendemain à faire des fouilles dans la forêt.
Au point du jour après avoir pénétré dans les taillis, on trouva 14 brebis mortes, 6 grièvement blessées et 4 à peine entamées ; c’était 24 victimes du loup. Cette perte est d’autant plus regrettable que la métairie Saint-Pierre de Vidals appartient à la sœur Marc, les revenus en sont donnés par cette digne religieuse aux pauvres de Lacaune. Ce sera autant en moins pour cette œuvre de bienfaisance.
Les habitants qui ont parcouru les lieux en temps de neige, prétendent qu’il n’y a qu’un loup dans la forêt ou du moins ils n’ont aperçu les traces que d’un seul de ces animaux. »
Cette sœur Marc possédait par héritage La Borio des Vidals. Elle a légué cette propriété à une nièce, dont les petites-filles Solignac l’ont vendue à plusieurs propriétaires en 1918. C’est pour cela qu’elle est aujourd’hui morcelée.

Robert Calas rapporte deux histoires (vraies) de loup racontées par sa mère, Maria, de Rieumontagné (5) :
– Quand elle était enfant (elle était née en 1904) elle se souvient d’avoir vu un homme passer de maison en maison avec un loup mort qu’il portait sur l’esquina ou autour du cou. Il était de coutume que les paysans fassent un don à celui qui les débarrassait de ces derniers prédateurs… et le père Boutes donna la pièce.

– Vers 1900, le grand-père maternel (père de ma grand-mère Marie Razimbaud de Montégut) s’en alla vendre quelques brebis à la grande foire d’automne d’Olargues. N’ayant pas liquidé la totalité de ses fedas il s’en revint, comme à l’aller, par les sentiers et autres chemins de chèvres. Dans le bois de Lause, il s’aperçut qu’un loup s’approchait du petit troupeau. Le prédateur faisait de brèves incursions à droite puis à gauche pour apeurer les brebis. Le pastre rassembla les bêtes à ses côtés et, menaçant le loup de son bâton et sans le quitter des yeux, il fit le reste du parcours jusqu’à Montégut à reculons. Arrivé à la maison à la nuit tombée, il rentra les fedas dans la bergerie où il s’écroula épuisé de fatigue et de peur.

Jérôme Garcia (6) rapporte aussi : « Les loups restaient encore menaçants dans les bois de la Ramasse jusqu’au début du XIXe siècle, où une note des registres municipaux nous apprend que le 14 prairial de l’an XIII (3 juin 1805), Jean François Vialet, Joseph Sagnes et Pierres Sablairoles, agriculteurs de Canac, apportèrent à la Mairie « sept louveteaux qu’ils avaient pris hier dans le bois de la Ramasse », pour obtenir la récompense accordée à une telle prise. Le dernier loup y aurait été tué en 1867 lors d’une battue. »

La destruction au fusil
Nous avons des témoignages de la mémoire orale sur la destruction avec des fusils :
Marcel Cauquil et Gérard Rascol (5) : « Un troupeau de génisses a été attaqué par une meute de loups à Salvaget. Le propriétaire de ce troupeau est descendu de Paris avec de la strychnine. La meute a été décimée, mais un loup a survécu. Il a été abattu par l’arrière-grand-père de Gérard RASCOL de Pontis. Celui-ci était parti de nuit à l’espèra (affût) du lièvre à un carré de choux qu’il avait au col de la Sagne Longue. Quand il entendit un grelot, c’était une brebis suivie d’un loup. Il tira le loup et ramena la brebis noire à Pontis. Le loup, mortellement blessé a été finir ses jours vers Le Margnès. Cela devait se passer vers 1890. »
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Le fusil de la famille Rascol qui a tué le loup. (fusil à pierre transformé en fusil à pistons, chambre calibre 12 et sortie calibre 24, à ce qu’à entendu dire Gérard Rascol)
Alain Bousquet à Cambiès : « Mon grand-père, Joseph Barthés m’a raconté qu’il avait participé en 1914 à la chasse du dernier loup abattu dans la Bernadelle. »

Les fosses à loup
.Mais la plupart des témoignages portent sur la mémoire des captures dans des fosses.
Alain Robert (4) dans « Les loups dans notre région » rappelle la préoccupation de nos ancêtres à ce sujet, les mesures prises pour éliminer ces animaux et l’existence d’un piège à loup près de Rouvières.

Jérôme Garcia a publié un article Les fosses à loups de la Ramasse, à Boissezon-de-Matviel (6) Il explique très bien le fonctionnement de ces fosses : Avant l’arrivée des fusils de chasse et des pièges à mâchoires au XVIIe siècle, le moyen le plus sûr de capturer un loup était les fosses. Celles de la Ramasse se situent au lieu-dit Les Louatières, non loin du Col de Ramio, sur la partie haute et plane du bois. En effet, leurs emplacements n’étaient pas choisis au hasard. Elles étaient disposées sur les lieux de passage des loups, soit sur des crêtes, soit à mi-pente, soit dans le fond d’une vallée car cet animal préfère se déplacer sur un terrain assez horizontal : Il avance au trot et donc n’aime pas les fortes pentes. De plus, il va vers les sommets pour hurler.
Les fosses mesuraient près de 2 mètres de diamètre, et 3 mètres de profondeur. L’intérieur était bâti en pierre sèche, et l’ouverture était moins large que le fond, pour empêcher le loup de prendre des appuis pour s’enfuir. Les fosses étaient ensuite recouvertes de branchettes, puis de fougères et de feuilles, et un appât vivant était attaché sur une branche au centre de l’ouverture. L’appât était généralement un canard, une poule, ou une oie. Des pieux pouvaient être plantés au fond de la fosse pour augmenter les chances de capture, mais ils risquaient d’abîmer la peau qui perdrait de sa valeur. En effet, les loups étaient capturés à cause des dégâts qu’ils occasionnaient, pour l’attrait des primes, mais aussi pour la vente de leur peau. D’ailleurs, ils étaient généralement tués par pendaison, ce qui avait pour effet d’hérisser le poil, rendant ainsi la fourrure plus belle. Pour ce faire, ils pouvaient être remontés de la fosse avec un lasso coulissant placé au bout d’une perche.
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Schéma de Jérôme Garcia

Près du Soulié, Alain Robert a photographié

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Les restes d’une fosse à loup (qui était bien plus profonde)

Références

1- Francis Vidal ; Procédés de capture des animaux ; Cahier de Rieumontagné, N°37, CRPR, p.25 ; janvier1998.
2- Robert Pistre ; Joseph TERRAL, un lacaunais député à la Convention ; édition du CRPR, p.173 ; 2010.
3- Journal de Toulouse ; Un loup sur le Montalet ; Edition du 3 août 1857 ; Médiathèque Rosalis, Toulouse.
4- Alain Robert ; Les loups dans notre région ; Cahier de Rieumontagné, N°19, CRPR, p.10 ; juillet 1991.
5- Alain Robert et Robert Pistre Les derniers loups (Cahier de Rieumontagné, N°76, CRPR, p.6 ; janvier 2016).
6- Jérôme Garcia Les fosses à loups de la Ramasse, à Boissezon-de-Matviel (Cahier de Rieumontagné, N°76, CRPR, p.4 ; janvier 2016).

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