Dans toutes nos fermes, la hantise était de voir un renard venir dévaster un élevage de poules. La consultation de Google expose les diverses techniques pour cela, comme la mise en place de clôtures, etc. Mais aucun ne signale le recours à la magie du pari, comme le faisaient nos devanciers.
Le pari était un pacte magique passé entre la fermière et le renard : le renard ne devait pas pénétrer à l’intérieur du périmètre où évoluaient les poules, en contrepartie on devait laisser le renard tranquille dans la nature.
Je laisse la parole à Henry Mas : « Le modus vivendi avec lo guèine, c’est ainsi que nous l’appelions, dura jusqu’au jour où mon instituteur, André Cabrol, en tua un lors d’une battue aux alentours de Sauyères où de nombreux poulaillers avaient été visités.
Impliqué dans la très modeste gestion de la coopérative scolaire de l’école de Carlebou, j’acceptai la proposition du maître : collecter, auprès des habitants du secteur des dons en espèces pour consolider notre petit budget. Je dois avouer qu’en plus de cette préoccupation comptable, je voyais là, l’occasion d’échapper, un instant, aux travaux paysans qui m’attendaient hors de l’école et de rendre, par la même occasion, visite à mes camarades Odile, Guy et Claude. Les opportunités n’étaient pas fréquentes et je savais que la demande, venant de l’instituteur, ne recevrait aucune opposition.
C’est ainsi que le jeudi suivant la battue, j’installai le renard mort sur le porte-bagages du vélo Magnat Debon de ma sœur aînée qui était, en fait, celui de tous et que je pris la route de Sauyères et des fermes alentours. Mon père évoqua, à ce moment-là, l’existence d’un vieux « pari » fait par ma grand-mère alors décédée ou par un tiers à sa demande. Il pensa que cette action pouvait briser le « pari ». Cependant, il ne me dissuada pas, pour autant, d’entreprendre la tournée qui se réalisa sans souci par un bel après-midi de printemps. Le lendemain, satisfait de mon travail, félicité par le maître, je remis la somme récoltée dans la caisse de la coopérative scolaire.
Quelques semaines plus tard, à notre stupéfaction, un renard s’en prit à la basse-cour. Je me souviens encore que le nombre de poules mortes était assez important. Plusieurs avaient été traînées sur une centaine de mètres par rapport au lieu où elles se trouvaient au moment de l’attaque, augmentant ainsi l’aspect violent de celle-ci. Pensant que le renard viendrait les rechercher pour les emporter vers sa tanière, mon grand-père empoisonna quelques poules avec de la strychnine et de la taupicine. Peine perdue, elles restèrent sur place. Nous pûmes ainsi vérifier que Goupil disposait bien d’un sens de l’odorat très aiguisé.
Bien que l’on ne m’en fit pas le reproche, chacun pensa que j’étais à l’origine de cette catastrophe. Mais, m’accabler n’aurait pas résolu le problème. Alors que faire ?
Puisque le « pari » avait si bien marché pendant de longues années, l’idée de recommencer s’imposa, d’autant que la famille connaissait une personne de La Trivalle capable de nous sortir de cette situation. Il s’agissait d’un homme d’un certain âge connu dans le pays sous son surnom de Cambounelle. Il passait, quelquefois, à vélo devant chez nous pour se rendre chez des parents dans l’Hérault. C’est ainsi que ma mère le rencontra une première fois pour le solliciter puis, quelques jours après, elle alla à La Trivalle où, finalement, il décida de lui confier le secret. Je me souviens qu’à ce moment-là, avec mon père, nous nous sommes écartés pour ne pas entendre.
Ainsi, ma mère devint dépositaire de ce pouvoir que le prêtre de Cabannes, interrogé, assimilait plus à un don que Dieu pouvait accorder aux hommes qu’à un sortilège. » Cela se passait vers 1960.
Denis Oulès de Trémoulines raconte que chaque année, quand il était jeune, on faisait le feu de la Saint-Jean. Et le lendemain, une dame Trinquier venait prendre les cendres et faisait le tour de la ferme assez grand, de manière que les poules ne dépassent pas ce périmètre, en dispersant les cendres et elle prononçait des paroles dont elle avait le secret. Et ça marchait, le renard ne venait pas ! Apelàvem aquò far lo pari (On appelait cela faire le paré)!
Ma mère m’a fait faire, en 1965, un feu de la Saint Jean, pour pouvoir faire picorer le lendemain les poules dans les cendres de ce feu, ce qui aurait la vertu de protéger les poules du renard. C’était un pari simplifié !
Voir l’étude d’Emile Farenc dans le Cahier de Rieumontagné n° 54, page27, comment il a vu faire le pari.
Commentaire de Pèire Thouy : »Pensi que lo nom ven del fach que i aviá una mena de paritat entre lo guèine e l’Òme, cadun s’engatjava a far un esfòrç e i aviá reciprocitat. (i a d’endreches ont l’Òme balhava un còp per an una dotzena d’uòus al guèine en compensacion). »