Notre région isolée, au climat rude en hiver et au sol pauvre a généré une race d’hommes travailleurs et débrouillards. C’était la condition pour survivre. Il ne suffisait pas de travailler sans arrêt, il fallait aussi être très économe et inventif. Bref, il fallait faire preuve de biais (phonétiquement biaïs).

Le mot de biais, qui était nécessaire dans tout ce qu’on faisait, n’a pas son équivalent en français. Il recouvre plusieurs qualités : l’ingéniosité, la débrouillardise, l’adresse, l’astuce, l’inventivité, l’expérience, le savoir-faire, le bon sens. Louis Roques de Nages m’a indiqué qu’enfant on lui disait : « Vas veire Ernest qu’a fòrça de biais. » En effet « Ernest Petit était l’homme qui avait du biais parce qu’il savait tout faire, son métier de charron, la charcuterie, la fenaison, la batteuse de Bascoul, mais aussi n’importe quel bricolage pour vous dépanner.»

Dans le même sens, Robert Calas rappelle : « Quelquefois en passant, je donnais un coup de main à Ginieis de Villelongue; lui c’était un « biaïssut ». Il me disait : Robert, avant d’attaquer le travail il faut le regarder, bien réfléchir à la façon de le réaliser en forçant le moins possible… Avec lui, la tâche devenait plus facile et surtout moins pénible.

Toute ma vie, j’ai appliqué cette méthode. Merci Louis ! »

Valérie Sèbe de Caudelle résumait bien tout ça en disant : Lo còp d’avança val un òme ! Pierre Demay m’a rappelé une expression pour qualifier ceux qui étaient peu doués : Es biaissut coma un ròsse ! 

Le CRPR a déjà publié des ouvrages où certains savoirs de nos devanciers ont été décrits : Chasse, pêche et braconnage d’Emile Farenc ; Le débutant de Lucien Aguié ; les Saveurs du patrimoine ; la Nature sauvage, etc. Le travail de collecte réalisé ici vise à compléter ce qui a été fait pour mieux garder la mémoire du savoir-faire de nos anciens dans les rudes conditions de l’époque avec les moyens d’alors. Le recueil des proverbes est aussi un excellent condensé de cette sagesse populaire.

Bien entendu, les recettes indiquées ne sont pas garanties. Nous avons voulu faire œuvre de mémoire collective et pas un livre de préconisations.

J’ai eu la chance d’être initié aux découvertes de la science moderne, qui m’ont émerveillé sur le génie humain. Je suis tout aussi ébloui intellectuellement par tout ce savoir accumulé par nos anciens et qu’on désigne sous le nom de biais. J’ai été heureux que mon action dans la vie se soit située au confluent de ces deux approches.

Robert Pistre

Voir le site du centre de recherches du patrimoine de Rieumontagné, pour les publications et activités : http://rieumontagne.free.fr/crprsite/

Categories: Ingéniosité

Laisser un commentaire

%d